Exposition Rodin et la danse – du 7 avril au 22 juillet – Musée Rodin – Paris
L’exposition Rodin et la danse nous plonge au sein du processus créatif d’Auguste Rodin, de ses sources d’inspiration et de ses méthodes de travail. Au fil des espaces et des pièces s’égrène le répertoire infini des mouvements du corps.
Le lien entre l’œuvre de Rodin et l’art de la danse semble évident. Pourtant, cette exposition nous permet de comprendre le rôle essentiel que ce domaine artistique a joué dans l’œuvre de l’un des plus grands sculpteurs du XXe siècle.
L’exposition s’ouvre avec les études anatomiques menées par l’artiste. La tradition des représentations des écorchés de médecine renvoie à la formation des artistes en dessin. Jeune élève, Auguste Rodin étoffe ses recherches en dessinant directement sur le modèle vivant et en suivant les leçons du sculpteur animalier Alfred-Louis Barye. Rodin retranscrit fidèlement dans ses sculptures les anatomies observées, et va même jusqu’à leur façonner un squelette en renforçant ses œuvres à l’aide d’armatures métalliques.
Pour enrichir son répertoire de formes, Auguste Rodin se confronte à l’art de la danse, probablement influencé, comme tous ses contemporains, par la lecture du Gai Savoir de Friedrich Nietzsche. Le philosophe, notamment par son analyse des danseurs grecs, amena à l’aune du XXe siècle à la création de la danse dite « moderne ». Nietzsche voit la danse comme l’expression corporelle de la spiritualité, une sorte de transe rituelle qui célèbre la vie, une expression des mots par les gestes. Les rites et les processions des antiques bacchanales sont connues de Rodin, notamment par les objets d’art antique dont il collectionne plus de 300 exemplaires. Cette passion le rapproche de la danseuse Isadora Duncan, qui rend notamment hommage au sculpteur en dansant dans les jardins de Vélizy. La danseuse est également l’auteure d’une théorie des mouvements naturels à laquelle adhère Auguste Rodin. Le dialogue entre ces deux artistes évolue ensuite en une sorte de parade amoureuse créatrice qui est de courte durée.
Rodin préfère délaisser l’approche mystique de la danse nietzschéenne pour ne conserver que l’idée de corps en liberté dans l’espace. En effet, le principe même de gravité est nié par le danseur : les sauts induisent un moment de flottement, un instant suspendu entre l’élan dynamique et la réception gracieuse. La danse est un vivier pour Rodin qui effectue ses recherches sur le centre de gravité des corps et l’équilibre des masses. Il étudie également le langage des corps sous les drapés antiques et les costumes de scène, comme le fait son ami Antoine Bourdelle. Les deux artistes tombent en émerveillement devant la représentation de l’Après-midi d’un faune dansé par Vaslav Nijinski en 1912.
Rodin observe scrupuleusement les postures des danseuses d’horizons divers, qu’elles soient occidentales comme Loïe Füller et Alda Moreno, ou orientales, comme les danseuses du ballet royal du Cambodge ou encore Ota Hisa, dite « Hanako », dont la souplesse impressionne et intéresse Rodin. Celui-ci retravaille chaque proposition de mouvement en prenant soin de réarticuler les corps en leur infligeant des torsions extrêmes. En lui servant de modèle, Alda Mareno inspire à Rodin la série des Mouvements de danse, dans lequel il puise tout au long de sa carrière de quoi alimenter son œuvre sculpté. La tension et l’énergie des corps, maîtrisées à la perfection par les danseurs, permettent à l’artiste de mettre en exergue sa maîtrise de la sculpture.
L’exposition est une ode à l’art originel qu’est la danse ; elle retrace la fascination de Rodin pour cet art, dont l’énergie insuffle aux corps le mouvement. La danse est en effet un art primordial, présent dans la vie des Hommes depuis les origines, comme en témoignent les illustrations présentes sur les parois des grottes rupestres. La danse est un langage archaïque et l’une des premières expressions de vie des primo-humains. En travaillant sur la danse, Rodin repense l’humanité, l’évolution de l’être humain depuis sa création et lui fait accéder à un statut allégorique, transcendé par la plus-value artistique apportée par son génie.