La touche sacrée de Germaine Richier

Vendredi 21 février 2025
Gazette Drouot n°7

Le Christ d’Assy, dans toute son humilité enfin comprise, dominait une collection de sculptures animalières modernes.

Certains des tableaux et sculptures de cette vacation provenaient de l’ancien atelier de l’artiste et professeur barcelonais Claudio Castelucho y Diana (1870-1927). Ils avaient été conservés par sa descendance, notamment la terre cuite de Manolo (voir page de droite) et Le Christ d’Assy I, petit de Germaine Richier, déposé à 113 344 €. Ce dernier a une longue histoire qui prend sa source sur le plateau d’Assy, en Haute-Savoie. L’église NotreDame-de-Toute-Grâce est construite sous l’impulsion du chanoine Jean Devémy (1896- 1981), afin d’offrir un lieu de culte aux patients des sanatoriums. À partir de 1950, en pleine période de renouveau des arts sacrés, soutenu par le père Couturier, il propose aux artistes contemporains de participer à la décoration de l’édifice, de Georges Rouault à Henri Matisse, en passant par Jean Lurçat.

À Germaine Richier, il commande un grand Christ en croix qui viendra surplomber l’autel du chœur. Hérésie ! En rupture totale avec l’idée – prônée par le Vatican – du fils de Dieu voué à ressusciter et triomphant de la mort, la création profondément humble et fragile de la sculptrice, insistant sur l’humanité de Jésus souffrant, fait scandale. L’œuvre est déposée, cachée et plusieurs fois déplacée avant enfin de retrouver son chœur en 1969. L’exemplaire reproduit est le tirage en bronze de l’une des deux maquettes présentées par l’artiste aux commanditaires en 1950. La fonte a été réalisée chez Lucien et Pierre Thinot, dont l’entreprise – active à partir de 1947 – prendra réellement son essor à partir de leur rencontre avec Richier, qui leur confiera la majorité de ses œuvres de dimensions réduites.

Le petit ensemble de sculptures animalières, dont les deux bronzes d’Édouard Marcel Sandoz et Armand Petersen (voir également page de droite, provenait d’une autre collection, celle-ci étant dispersée en gants blancs. En faisait aussi partie un exemplaire de la Panthère humant (h. 34 cm, terrasse 34,7 x 12,5 cm) de Georges-Lucien Guyot (1885- 1973). Ce modèle – l’un des plus connus de cette grande figure de la discipline, membre du groupe des Douze aux côtés de Jeanne Poupelet et Paul Jouve entre autres – quittait la scène à 23 184 €.

Avec sa patine brun nuancé de vert rehaussée d’or, ce cacatoès (h. 36 cm) ne manquait pas d’allure et pouvait redresser sa crête pour attraper 33 488 €. Édouard Marcel Sandoz (1881-1971), à l’instar de nombre de ses confères animaliers, trouve ses modèles dans la ménagerie du Jardin des Plantes parisien. Quant aux volatiles exotiques appartenant à la grande famille des Psittacidae – des sujets de prédilection qu’il décline à l’envi –, ils sont puisés en se promenant dans les marchés aux oiseaux des quais parisiens. Avec un grand talent !

Armand Petersen (1891-1969), d’origine suisse comme Sandoz, a parfaitement traduit la fierté naturelle du lama, cet animal emblématique – et pas toujours sympathique – de la culture andine. Pour ce faire, il avait glissé ses pas dans ceux de Pompon, adoptant la même simplification des formes et travaillant à un rendu lisse de ses patines. On comprend pourquoi il est désormais considéré comme l’un des plus grands animaliers de la première moitié du XXe siècle. 49 588 € étaient avalés par ce petit camélidé en bronze à patine brun clair (h. 35,5, terrasse 18,2 x 9,4 cm), fondu chez Bisceglia.

9 274 € étaient joués sur la guitare de L’Aragonais (h. 32 cm), objet du Coup de cœur de la Gazette n° 4 (page 20). Cette épreuve en terre cuite (h. 32 cm) a été exécutée vers 1926 par le Catalan Manuel Martínez Hugué, dit Manolo (1872-1945). Il était ami du peintre Claudio Castelucho y Diana, dans la descendance duquel la sculpture avait été conservée – et de bien d’autres artistes du XXe siècle, Pablo Picasso et Marc Chagall notamment.

VENDREDI 14 FÉVRIER, SALLE 5 – HÔTEL DROUOT. NOUVELLE ÉTUDE OVV. CABINETS LACROIX – JEANNEST, MARCILHAC

21 février 2025