La sensualité féminine par Wilhelm Lehmbruck
Gazette Drouot n°41
Vendredi 21 novembre 2025
Ce sculpteur majeur du mouvement expressionniste allemand se fait rare sur le marché français. Réalisé durant sa courte période parisienne, ce buste en terre cuite est tiré d’une de ses œuvres les plus célèbres.
Cette sculpture est restée jusqu’à aujourd’hui dans la descendance du peintre mâconais Antoine Villard (1867-1934). Une photographie de 1919 témoigne de sa présence dans son atelier parisien du square Desnouettes. C’est à 40 ans que Villard quitte une carrière d’industriel pour se tourner vers la peinture. À Paris, il devient également critique d’art et collectionneur, et participe à la promotion d’artistes d’avant-garde comme le Douanier Rousseau ou Modigliani. Mais son lien avec Wilhelm Lehmbruck est encore mystérieux. A-t-il acheté cette terre cuite directement auprès de lui ou par l’intermédiaire de la galerie Levesque, qui travaillait avec l’artiste allemand et organisa en juin 1914 une exposition de ses œuvres, dont un Buste de femme ? Cette terre cuite est en tout cas un rare témoignage du séjour de Wilhelm Lehmbruck à Paris. Formé aux beaux-arts de Düsseldorf, il a 30 ans quand il s’installe en 1910 dans le quartier Montparnasse. Son travail est déjà orienté vers la représentation du corps humain, et certaines de ses œuvres ont été exposées en 1907 au Grand Palais. Le sculpteur allemand reste à Paris jusqu’en 1914. Il fréquente alors Brancusi, Archipenko, Maillol ou Modigliani. « Ses recherches sur la matérialité doivent également beaucoup à l’influence d’Ossip Zadkine », précise l’experte Élodie Jeannest. Ces quelques années sont primordiales dans sa courte carrière – il mettra fin à ses jours en 1919. Lehmbruck adopte à Paris une modernité classique touchant à l’expressionnisme. « À la manière d’Auguste Rodin, il va prendre des fragments de ses sculptures les plus importantes afin d’en faire des œuvres à part entière, recherchant dans ces morceaux la vie intérieure, l’essence même de son modèle », poursuit l’experte. Ce buste est d’ailleurs celui de L’Agenouillée, l’une de ses créations iconiques et fondatrices de son style aux formes allongées et à la réflexion philosophique forte, créée en 1911. Dans ce buste, il se concentre sur l’attitude : cette inclinaison du cou offre toute sa sensualité et son intériorité à la sculpture. Seulement six exemplaires en terre cuite de ce modèle sont répertoriés dans le catalogue raisonné de l’artiste. Cet exemplaire, inconnu à ce jour, vient donc s’ajouter au corpus de cet artiste dont les œuvres ont été en partie détruites dans les années 1930 par les nazis.
JEUDI 27 NOVEMBRE, MÂCON. QUAI DES ENCHÈRES OVV. CABINET LACROIX – JEANNEST.
Wilhelm Lehmbruck (1881-1919), Die Geneigter Frauenkopf ou Büste der Knienden (Buste de l’agenouillée), terre cuite, modèle créé fin 1911-début 1912, signé au dos « LEHM/BRUCK » sur deux registres, incisés, 43,5×41,5x20cm. Estimation : 120 000/150 000 €
