DE L’ÉGYPTE ANTIQUE À AUGUSTE RODIN

Gazette Drouot n° 34
Vendredi 3 octobre 2025

C’est une œuvre rare et atypique signée Mahmoud Mokhtar qui sera prochainement vendue à Senlis. Le sculpteur égyptien dévoile, dans cette épreuve en bronze éditée par la Fonderie coopérative des artistes, son admiration pour Rodin.

Décédé prématurément à l’âge de 43 ans, Mahmoud Mokhtar est un artiste rare sur le marché, devenu au fil des décennies emblématique de la renaissance moderne de l’Égypte. Ces Trois Mendiants sont plus rares que son célèbre Réveil de l’Égypte. Seuls quelques exemplaires sont connus à ce jour, l’un étant conservé au musée dédié à l’artiste au Caire et deux étant passés en vente dont un le 30 avril 2019 chez Sotheby’s Londres, provenant de la collection du sculpteur Jules Coutan, à qui Mokhtar l’avait offert. « L’artiste présenta cette œuvre entourée de quarante autres lors de sa grande rétrospective organisée à la galerie Bernheim-Jeune à Paris en 1930 », précise l’expert Alexandre Lacroix. Une sculpture qui rompt avec son travail des années 1920, marqué par une Antiquité égyptienne revisitée sous le prisme de l’art déco. La découverte du tombeau de Toutankhamon par Howard Carter, en 1922, et le soulèvement des Égyptiens contre l’occupant britannique à partir de 1919 marquent Mokhtar dans sa vie d’artiste et d’homme. Installé à Paris depuis 1911, il fait son retour au Caire en 1924, où il crée un groupe d’artistes baptisé « La Chimère ». Ce mouvement ouvre une voie entre tradition et modernité, que l’on retrouve dans ce bronze créé vers 1930, quand il revient à Paris. Le groupe représente trois mendiants vêtus de galabias et de turbans, progressant péniblement, le plus âgé semblant diriger les deux autres. Mokhtar, qui fut le premier Égyptien inscrit à l’École des beaux-arts de Paris, fait référence à l’un des grands maîtres de la sculpture française : Auguste Rodin.

Dans la préface du catalogue de l’exposition de 1930 à la galerie Bernheim- Jeune, Georges Grappe dit à son sujet, en s’adressant à l’artiste : « Vous m’avez dit avoir passé de longues heures devant ses œuvres ». On ignore si Rodin et Mokhtar se sont rencontrés, mais on perçoit à la vue de ce bronze, avec l’alignement des trois hommes et son réalisme, tout ce qu’il doit aux Bourgeois de Calais. Un dernier élément devrait séduire les amateurs de cette époque : l’œuvre est issue de la Fonderie coopérative des artistes, née de la volonté des sculpteurs de fondre eux-mêmes leurs œuvres et dans de meilleures conditions économiques. Active entre 1920 et 1946, cette entreprise demeure mythique tant par la qualité de son travail que par son mode de fonctionnement en coopérative.

DIMANCHE 12 OCTOBRE, SENLIS.
ACTÉON – HÔTEL DES VENTES DE
SENLIS OVV. CABINET LACROIX – JEANNEST.

Mahmoud Mokhtar (1891-1934), Les Trois Mendiants, épreuve en bronze à patine brune, signée « M. MOUKTAR », portant la marque du fondeur «CFA. PARIS » pour la Fonderie coopérative des artistes, base en bois, 38,5 x 34 x 17,5 cm. Estimation : 40 000/60 000 €

06 octobre 2025