Bugatti, sous le charme de l’éléphant – Gazette Drouot
Gazette Drouot n°23
Caroline Legrand
L’un des animaux emblématiques de l’œuvre de Rembrandt Bugatti nous provient de la collection de René de Knyff, un pilote automobile ami du non moins célèbre frère de l’artiste, Ettore.
Estimation : 80 000/120 000 €
En 1926, Ettore Bugatti choisit comme bouchon de radiateur de sa mythique Bugatti Royale l’œuvre de son frère Rembrand — décédé dix ans plus tôt — L’Éléphant qui danse, qu’il fit fondre en argent. Cette mascotte symbolisait toute la puissance et la monumentalité de cette voiture de huit mètres de longueur pouvant atteindre 200 km/h. Les passionnés apprécièrent. Parmi ces derniers, le chevalier René de Knyff (1865-1954). Pilote, il participa à une vingtaine de courses entre 1896 et 1903, et devint en 1899 le premier président de la Commission sportive de l’Automobile Club de France puis, en 1922, de la Commission sportive internationale. Très apprécié dans le monde automobile, il fréquentait notamment sur les circuits Ettore Bugatti. C’est sans doute par son intermédiaire qu’il a découvert le travail de Rembrandt et décidé de collectionner ses bronzes, dont ce rare Éléphant d’Asie « il y arrivera », resté dans sa descendance jusqu’à nos jours : un bronze répertorié sous le n° 209 de l’ouvrage monographique de Véronique Fromanger sur Rembrandt Bugatti (éditions de l’Amateur, 2016). Si l’Éléphant dansant a été créé en 1904 à Paris, avec pour modèles les spécimens d’Afrique du Jardin des Plantes, notre Éléphant d’Asie est issu quant à lui des séances de travail du sculpteur au zoo d’Anvers, autour de 1907. L’artiste se place face à la cage du pachyderme avec son matériel, prêt à modeler à la main, sans instruments ni esquisse préparatoire… Il le sollicite parfois – comme semble le rappeler ici le titre –, lui donnant de la nourriture et l’incitant à passer sa trompe entre les barreaux pour saisir celle-ci à terre. Bugatti capture alors l’animal en plein mouvement, dans une attitude surprenante et naturelle à la fois. Le fondeur Hébrard ne réalisera, entre 1907 et 1920, de cette réduction de 16 cm qu’une vingtaine d’exemplaires, certains non numérotés, comme celui-ci, qui présente par ailleurs encore sa base en marbre vert d’origine. Une fonte aux reprises à froid nombreuses et parfaitement maîtrisées, tout comme la riche patine.