Maître anonyme hispano-malinois, entourage de Gil de Siloé (vers 1440 - 1501), vers 1500

Vierge à l’Enfant feuilletant un livre

Sculpture en fort-relief en bois polychromé à décor "a estofado", carnations et polychromie rapportées, dos évidé

Petits manques et refixages à la polychromie


Une copie électronique du Rapport scientifique n°1019-OA-364Z de l'analyse de datation par la méthode carbone 14 couplé à une spectrométrie réalisée par le laboratoire du CIRAM le 5 novembre 2019 sera remise à l'acquéreur.

H. 69 cm ; L. 30 cm ; P. 24 cm.

Collection particulière espagnole

Estimation : 80.000 / 120.000 €

Prix au marteau : 80.000 €

N° de lot : 120

Littérature en rapport :

De très grande qualité, cette Vierge à l’Enfant feuilletant un livre est un rare témoignage des relations artistiques qui ont lié la région du Brabant à la Castille sous le règne des Rois Catholiques. Inspirée de l’esthétique de Rogier van der Weyden (1399 ou 1400-1464), empruntant un canon typiquement brabançon -précisément malinois-, cette sculpture allie parfaitement l’art des maîtres flamands et les éléments techniques et stylistiques de l’école castillane tardo-gothique.

Cette sculpture qui devait prendre place dans un retable monumental représente la Mère de Dieu, douce et juvénile, assise sur un banc-trône assez modeste et tenant sur ses genoux l’Enfant Jésus vêtu d’une longue chemise ouverte sur le devant, feuilletant un livre avec toute l’innocence et la joie propres à l’Enfance.

Notre oeuvre présente une thématique riche et syncrétique qui attestent des nombreux contacts et échanges entre l’Espagne et les Pays Bas méridionaux au XVème siècle. Des oeuvres d’art de toutes typologies – retables, tapisserie, sculptures- sont massivement exportées des Pays-Bas méridionaux vers Burgos, Tolède, Valladolid, en Cantabrie, Rioja ou d’autres régions depuis les ports du Nord de l’Espagne.
L’influence des maîtres flamands commence à se diffuser dans la Péninsule notamment grâce à la présence de la Madone Duràn en Espagne, dès le vivant de son auteur, le peintre Rogier van der Weyden , ainsi que celle d’une copie d’une Vierge à l’Enfant lisant de Jan van Eyck (v. 1390-1441
, aujourd’hui disparue) à la Collégiale de Saint Cosme et de Saint Damien de Covarrubias à Burgos.
Ces deux tableaux propagent ainsi durablement l’iconographie de la Vierge tenant un livre que l’Enfant Jésus feuillette, image précurseur de l’histoire inéluctable du futur sacrifice du Sauveur.
Ainsi, dès 1461, la peinture de van Der Weyden est copiée par un peintre aragonais, Bernart de Aras (1448 – Circa 1471) pour une église de Pompièn (Huesca) puis par de nombreux autres jusqu’au début du XVIème siècle, au premier rang desquels figure le Maître des Luna, peintre au service de la noblesse de Castille. La Madone Duràn est à la fin du XVème siècle l’oeuvre flamande la plus copiée en Castille, preuve du succès de cette iconographie dont l’influence ne touche pas seulement les peintres espagnols mais aussi les sculpteurs. Ainsi, le sculpteur hispano-flamand Egas Cueman (Bruxelles, première moitié du XVème-Castille 1495) réalise en surplomb de la sépulture d’Alfonso de Velasco, président du Conseil des Rois Catholiques, et de son épouse Isabel de Cuadros, une Vierge à l’Enfant feuilletant un livre dans la chapelle Sainte-Anne du monastère royal de Guadalupe dès les années 1467-80.
Comme en témoignent le dessin de l’artiste Vranck ven der Stockt (1424-1495) (Vierge à l’Enfant, vers 1440 ; H. : 17,3 cm, inv.20686 recto, département des Arts graphiques, musée du Louvre, Paris) et la Vierge à l’Enfant sculptée représentée dans le  » Retable Laredo  » en Cantabrie (Eglise Iglesia nuestra senora de la Asucion, retable de l’ancien maître-autel, Vierge exécutée à Bruxelles vers 1435-1440), le détail iconographique de l’Enfant Jésus revêtu d’une chemise laissant apparaitre ses parties génitales a également été diffusé et répété dès la première moitié du XVème siècle, depuis le Brabant jusqu’en Castille. L' »Ostentatio genitalium  » et la nudité totale de l’Enfant Jésus, apparus vers les années 1340 en Italie, permettent de mettre en valeur l’humanité du fils de Dieu, qui, par ce détail, s’apparente aux fils des hommes. Dans une période où la dévotion s’efforce de rendre plus accessible la figure divine, l’humanisation de l’Enfant Jésus s’investit d’une haute valeur symbolique dans une mise en scène démystifiée. Tandis que sa Mère représentée dans une position frontale et encore hiératique (empruntée à la typologie de la Sedes Majestae très usitée en Espagne), semble perdue dans ses pensées prémonitoires de la Passion, l’Enfant, nu et mutin, feuillète le livre de sa Destinée.

La nature brabançonne de la figure pleine de charme de l’Enfant est aussi plus que frappante. Le canon de la tête du Christ correspond à celui d’un des sujets de prédilection de la production malinoise contemporaine, l’Enfant Jésus bénissant.

29 novembre 2022 Daguerre Hôtel Drouot, salle 4
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