Seconde moitié du XIXème siècle, Atelier de moulage du Louvre

Vénus de Milo

Épreuve en plâtre en deux parties, jonction au niveau des hanches
Porte sur le devant de la base l'estampille de l'Atelier de Moulage des musées nationaux : «REPUBLIQUE FRANCAISE / MUSEES NATIONAUX»

(Petits accidents, un fragment du drapé à refixer)

Socle en bois peint d'origine portant l'inscription sur le devant : « VENUS VICTRIX / RAPPORTEE DE MILO EN 1820 PAR LE VICOMTE DE MARCELLUS / DONNEE AU ROI PAR LE MARQUIS DE RIVIERE / AMBASSADEUR A CONSTANTINOPLE/ ET PAR LE ROI A LA FRANCE »
H. : 105,5 cm (41 1/2 in.)
Côtés : 83 cm (33 2/3 in.)

On joint deux tirages en plâtre d'un fragment de bras et d'une main tenant une pomme découverts près de la statue de la Vénus sur l'île de Milo

H. (env.) : 216 cm ; Socle en bois peint d'origine portant l'inscription sur le devant : H. : 105,5 cm, Côtés : 83 cm

Collection de la famille du vicomte Lodoïs de Marcellus, par descendance

Estimation : 40.000 / 60.000 €

Prix au marteau : 44.000 € -PRÉEMPTION DU MUSÉE DU LOUVRE

N° de lot : 70

Littérature en rapport :

Œuvres de référence :
– Vers 130-100 AV JC, Mélos, Vénus de Milo, marbre de Paros, H. 211 cm, découverte sur l’Ile de Milos, Paris, musée Louvre, n°inv. Ma 399 ;
– Période hellénistique ? Fragment de main tenant une pomme, dim. 16 cm ,
marbre de Paros, Paris, musée du Louvre, n°inv. Ma 400 ;
– Période hellénistique ? Fragment de bras gauche, marbre de Paros, dim. 11,5 cm, Paris, musée du Louvre, n°inv. Ma 401.

Œuvres en rapport :
– Buste en plâtre de la Vénus de Milo, vers 1822, H. 100 cm, Toulouse, ISDAT ;
– Atelier de Moulages des musées nationaux, Tirage du torse de la Vénus de Milo, deuxième quart du XIXème siècle ?, plâtre, H. 107 cm, Paris, musée du Louvre, n°inv. Gy 1537 ;
– Tirage en plâtre du XIXème siècle, la Vénus de Milo, dim. 211 × 63 × 64 cm, Montpellier, musée des Moulages, n°inv A-217.

Ce moulage en plâtre à grandeur de la « Vénus de Milo » réalisé par l’Atelier des musées nationaux au XIXème siècle est l’un des tout premier témoignage du prestige et de la notoriété immédiatement atteints par la sculpture grecque de la fin du IIème siècle avant J.C devenue le fleuron du musée du Louvre tout autant que le chef-d’œuvre de la sculpture antique. Ce moulage a appartenu à la famille de l’un des protagonistes de son acquisition, réalisée dans un contexte d’âpres concurrences européennes en Grèce encore sous domination ottomane. La copie en plâtre tirée de l’original, à l’instar d’une précieuse relique, a été conservée jusqu’à présent par les descendants du vicomte de Marcellus, helléniste fervent, diplomate et secrétaire d’ambassade à Constantinople entre 1815 et 1820. Pour le compte de l’ambassadeur, le marquis de Rivière, il fut responsable des négociations d’acquisition de cette œuvre. Il fut aussi chargé de son transport de Mélos à Constantinople. Ces quelques mois de navigation, période privilégiée en « tête à tête » avec la déesse de l’Amour, le marqua durablement.

« Heureux d’être sorti vainqueur de cette lutte, et fier de la conquête qu’il venait de faire pour la France, M. de Marcellus fit enlever du brick raya la statue, sur le prix de laquelle le prêtre grec n’avoit donné qu’un léger acompte, qui lui fut rendu, et il la fit transporter à son bord. Il vit enfin ce chef d’œuvre, qu’il n’avait acheté que sur sa réputation, et dont la beauté, au-dessus de ce qu’il avait espéré, le dédommagea de toutes ses peines. » (Ravaisson, Notice sur la statue antique de Vénus découverte dans l’Ile de Milo)

La découverte et l’acquisition par la France de la Vénus de Milo furent le fruit d’une succession d’évènements et rebondissements produits par différents acteurs dans un contexte de concurrences sévères entre pays européens en quête de découvertes archéologiques.
Face au succès retentissant de la sculpture en France, nombre de publications ont ensuite révélé son contexte de découverte en extrapolant ou déformant l’histoire, en faveur de tel ou tel contributeur. Dans la Revue contemporaine publiée en 1852, le vicomte de Marcellus, aristocrate lettré fasciné par le monde grec, tient à rappeler son rôle dans l’affaire, avec une modestie toute littéraire : « ce n’est pas moi (et il me semble que je le dis au public pour la troisième fois), ce n’est pas moi qui ai découvert à Milo la Vénus vraiment victorieuse… Ce n’est pas moi qui l’ai offerte au musée… Voici ce qui me regarde dans l’affaire. Un vent favorable et ma destinée me poussèrent dans le port de Milo, avant que le moine grec, mon compétiteur, en fût sorti, emportant la Vénus qu’il avait déjà embarquée et avant que les vaisseaux des nations étrangères, instruites de la découverte, y fussent entrés pour la ravir. »

Un article publié en 2023 par Vincent Touzé dans la Revue archéologique relate précisément l’épisode. Les deux parties de la statue ainsi que plusieurs autres fragments furent découverts en avril 1820. Ils furent déblayés d’un champ par le paysan George Kentrotas, non loin d’un théâtre antique mis au jour quelques années avant dans l’île de Milo, l’un des lieux de l’Empire Ottoman le plus prolixe en découvertes archéologiques. Le paysan, semble-t-il, faisait des fouilles (bien qu’interdites aux Miliotes) pour contenter les représentants des pays européens cherchant à acquérir des antiquités, notamment le vice-consul de France, Louis Brest. Le paysan l’informa immédiatement, tandis qu’un jeune officier de la marine française, Olivier Voutier, également présent sur l’île, en réalisait les premiers dessins. Brest fit une première proposition d’achat pour le compte du gouvernement français et attendit les instructions, alors même que les Primats de Milo ayant eu vent de l’affaire voulurent offrir l’œuvre à leur chef, le prince Nicolas Murouzi, drogman du Capitaine Pacha. Le 16 avril, le navire le Chevrette accosta à Milo avec à son bord le commandant Gauttier du Par et l’enseigne de vaisseau d’Urville qui vit l’œuvre, rédigea une note et réalisa un dessin. L’ensemble fut transmis à leur arrivée à Constantinople le 28 avril à l’ambassadeur, le marquis de Rivière. Il semble qu’il fallut attendre l’accostage à Constantinople le 5 mai de l’Estafette portant à son bord Olivier Voutier pour que l’ambassadeur Rivière décide d’acquérir l’œuvre et d’envoyer le vicomte de Marcellus la négocier. Concomitamment, le consul David ignorant la décision de l’ambassadeur décida avec le nouveau chef de l’escadre française le baron des Rotours d’acheter la statue et en informa le vice-consul Brest. Mais entre-temps, Oikonomos Verggi, ecclésiastique de l’île, avait obtenu la vente pour le drogman, fait transporter la statue dans le port de l’île et avait tenté de contracter avec des navires français et européens.

Le vicomte Marcellus second secrétaire d’ambassade, dont la tâche principale était une mission de présence dans les îles et de négociations au sujet des lieux saints, arriva à Milo le 22 mai 1820. La situation avait tourné en défaveur de la France et la statue était installée à bord d’un navire grec ottoman. L’intervention de Marcellus, encouragé par le vice-consul Brest, fut décisive pour le dénouement heureux et l’acquisition de la statue par la France. Dumont d’Urville, enseigne de vaisseau à bord de la Chevrette indiqua ainsi dans une lettre : « j’ai su depuis que M. de Marcellus arriva à Milo au moment même où la statue allait être embarquée pour une autre destination, mais après divers obstacles, cet ami des Arts parvint enfin à conserver à la France ce précieux reste d’Antiquité ». Les négociations patientes du vicomte ont été largement relatées par le protagoniste lui-même dans un rapport pour l’administration en 1821 et, de manière plus romancée, dans ses Souvenirs d’Orient de 1839 (tome 1). Il y raconte que, malgré les premiers échecs, il ne se décourage pas : « je ne sais quel heureux pressentiment soutenait mon courage, Vénus m’était apparue en songe, telle que la représente Lucrèce, belle plus que les plus belles ». Le récit posthume et affabulateur d’un officier de la Chevrette indique même, en 1874 que l’acquisition fut réalisée par la force après une bataille sur la plage. Marcellus n’indiqua toutefois n’avoir usé ‘que des armes de la raison’ dans ses négociations.
La Vénus est finalement cédée avec l’accord des autorités à Marcellus sans même qu’il ait pu voir la statue. L’acquisition menée par notre homme pour le compte privé de l’ambassadeur Rivière tourne cependant en crise diplomatique. Le vicomte avait pourtant fait la promesse de la protection de l’ambassade aux primats qui craignaient le Drogman en cas de problème. Ce dernier fit revendiquer ses droits auprès du Capitaine Pacha, les primats de Milo furent emprisonnés, menacés de mort et fouettés. Ils durent signer une attestation certifiant que l’œuvre était destinée au Drogman depuis sa découverte et payer une lourde amende que le Vice-consul Brest réclama à Marcellus lorsqu’il le retrouva en septembre à Smyrne, lors d’une escale de l’Estafette. L’affaire ne fut définitivement réglée qu’en janvier 1826.

Marcellus reprit la mer avec la sculpture du 25 mai au 24 octobre 1820. Ce n’est qu’une fois la Vénus de Milo embarquée que Marcellus découvrit l’œuvre qu’il venait d’arracher au prince Murouzi sans jauger des graves conséquences de ses actions. Sa réaction émerveillée et sa fascination grandissante pendant tout le voyage sont racontées dans ses Souvenirs d’Orient : « Là chaque fois que j’allais rendre hommage à ma Vénus et qu’on entr’ouvrait en ma faveur les voiles grossiers qui la cachaient à tous les yeux, je sentais mon admiration s’accroitre, je prenais quelquefois mon instinct pour un pressentiment de sa célébrité future, et je me félicitais d’avoir ajouté aux richesses et aux plaisirs de mes compatriotes : cette pensée me suivant dans mon voyage, pour en augmenter les jouissances , et en adoucir les fatigues. »

Marcellus remit la statue au marquis de Rivière qui accompagna l’œuvre en France, ayant pour dessein de l’offrir au roi Louis XVIII pour l’enrichissement du musée des Antiques. L’œuvre fut remise officiellement au roi lors d’une audience ayant eu lieu au Louvre le 1er mars 1821. Le roi l’offrit au musée du Louvre. Le succès de la sculpture fut immédiat et retentissant. Une médaille officielle fut même frappée en 1822 pour en célébrer l’acquisition, rappelant celle frappée sous Napoléon pour célébrer l’arrivée de la Vénus Médicis (rendue à l’Italie en 1815). Son arrivée au musée du Louvre ouvrit d’autres enjeux et débats qui durèrent tout au long du XIXème siècle, notamment sur l’interprétation de la statue aux bras manquants et sur sa restauration.

Marcellus indique ainsi dans ses Souvenirs : « La Vénus nouvelle s’arrêta longtemps dans les Ateliers du Musée consacrés à la restauration des marbres. …Chacun voulait avoir son avis, et publier ses conjectures. Et de citer ‘Quatremère de Quincy, de Clarac, de saint Victor… Quelques dessins des poses qu’on cherchait à retrouver avaient été soumis au roi, on avait même tenté d’ajuster aux épaules de la statue deux bras et une main tenant une pomme que j’avais également rapportées… ». Dans son article de la Revue Contemporaine publié en 1854, Marcellus énumère les différents éléments qui composaient la Vénus et les fragments qui l’accompagnaient et qu’il rapporta en France : « le buste de la Vénus, la partie inférieure drapée, le chignon de la chevelure, un avant-bras informe et mutilé, une moitié de main tenant une pomme, trois hermès et un pied gauche trouvé dans le voisinage ».

Notre moulage de la Vénus de Milo est accompagné de deux tirages en plâtre des fragments de cet avant-bras et de cette main tenant une pomme. Leur présence témoigne des premières tentatives d’interprétation et de restauration réalisées dans l’atelier du musée du Louvre devenu, au début du XIXème siècle, l’un des principaux lieux de recherche sur la statuaire antique. Selon les ordres du comte de Clarac, le directeur de l’atelier Bernard Lange envisagea un prototype de restauration après plusieurs essais réalisés à partir de copies en plâtre. La restauration de la Vénus était bien prévue et préparée comme l’a révélé la restauration complète de la sculpture en 2010, avec des plans de cassure du bras droit et du pied gauche retaillés et ce, bien qu’il fût rapidement décidé de présenter la statue dans son état fragmentaire, sans ajouts modernes comme l’usage s’en était répandu depuis le XVIème siècle en Europe. Bernard Lange réalisa plusieurs essais de restitution du mouvement des bras à partir de moulages, et notamment une tentative d’un bras gauche presqu’à l’horizontal tenant une pomme. Ce comte de Clarac publia d’ailleurs, dans son ouvrage de 1821, une gravure d’après un dessin de Debay où l’on voit la sculpture dotée de ce biceps gauche. Le moulage retrouvé récemment à Toulouse par Emmanuel Rémond correspond à l’état de la statue avec la restauration proposée du bras gauche s’achevant par le fragment de main tenant la pomme. Le bras gauche de la Vénus, fragment replacé au Louvre et fixé au plâtre qui devait, selon le projet de Lange, accueillir un avant-bras et une main tenant une pomme n’est demeuré en place que quelques mois puis abandonné. Finalement, suivant les conseils de Quatremère de Quincy, la Vénus de Milo fut présentée au public dans son état fragmentaire, à l’exception de petits raccords (extrémité du nez, raccords aux lèvres) et d’un pied gauche reconstitué (car le fragment trouvé à Milo ne convenait pas) et sans la plinthe.

Trois mois à peine après son arrivée, la Vénus de Milo était présentée au public dans les salles du Musée du Louvre ; elle fut changée de places plusieurs fois, à la recherche de l’exposition la plus idéale pour son étude et sa contemplation. Malgré les nombreux débats sur sa datation, sa qualité était incontestée, son statut de chef-d’œuvre indétrônable. Le désir de diffuser son image, d’en reproduire des copies pour la formation des artistes et la délectation, augmenta tout autant que l’admiration qu’elle engendrait. Marcellus indique d’ailleurs qu' » Elle vint donc, telle qu’elle est encore aujourd’hui, régner sous les voûtes du Louvre ; ses plâtres furent envoyés aux musées de nos provinces, les étrangers en achetèrent un grand nombre ; … Bientôt la Vénus de Milo fut admirée de l’Europe entière ; en 1822, je la trouvai à Londres, …en 1827, je la revis à Rome à la Villa Medici « . Les premiers moulages d’après une prise d’empreinte sur l’œuvre originale réalisée par le mouleur François-Henri Jacquet furent produits dès 1821 à des fins de recherches pour les restaurateurs et l’architecte. Comme en témoignent les archives des Musées nationaux, les commandes d’épreuves en plâtre affluèrent dès Août 1821 ; la première commande étant accordée à la manufacture de Sèvres le 22 août 1821, puis à l’Académie de France à Rome en septembre 1822, ensuite à des écoles de dessins (Amiens en 1821, Dijon en 1825, Gaillac en 1838, Carcassonne en 1839) ou à des musées (Boulogne 1840). Les commandes se multiplièrent dans les années 1850 très probablement à la suite de la publication du premier catalogue de ventes des moulages proposés par l’Atelier de Moulages des musées royaux à partir de 1845. L’atelier proposait à cette date, soit la version intégrale de 216 mètres de haut, soit le moulage partiel du torse avec la tête.

L’idée de posséder un moulage à grandeur en substitution de la divine déesse aurait pu éclore précocement dans l’esprit de Marcellus. Le vicomte devint en effet le gendre du célèbre directeur général des musées royaux, le comte de Forbin (1877-1841) à la suite de son mariage en 1824 avec sa fille Valentine. Les deux hommes étaient déjà liés professionnellement grâce à l’affaire de la Vénus de Milo. Le comte de Forbin demanda d’ailleurs immédiatement sa prise d’empreinte par le mouleur Jacquet à l’arrivée de la sculpture. On le sait d’ailleurs fortement impliqué dans le développement de l’Atelier de moulages des musées royaux sous la Restauration et jusqu’au début des années 1830.

De tradition familiale, la copie en plâtre de la Vénus de Milo aurait été offerte au vicomte de Marcellus par le roi Louis-Philippe pour le rallier à sa cause, mais finalement livré au château de Marcellus sous la deuxième République. Bien qu’aucun document historique découvert à ce jour ne vient détailler
cette version, la présence d’une rare estampille sur le devant de l’œuvre pourrait confirmer cette datation : non encore inventoriée dans le répertoire des estampilles des Ateliers de Moulages des musées nationaux, elle présente la mention : REPUBLIQUE FRANCAISE / MUSEES NATIONAUX. Son design est similaire à l’estampille produite sous le second Empire. L’absence dans l’inventaire des estampilles et sa rareté même sur d’autres moulages s’expliquant peut-être parce que la pose d’une estampille sur les épreuves sortant de l’atelier n’est devenue obligatoire qu’à partir de 1854. Jusqu’à cette date d’ailleurs l’exploitation commerciale des moulages de l’atelier profitait essentiellement aux responsables de l’atelier. (Nous remercions l’équipe de l’atelier de moulage de la Rmn-Gp pour leurs indications).

Don ou acquisition ? Il est certain que la présence de la copie en plâtre si réelle et si présente de la Vénus a dû réjouir son ancien négociateur. En 1839, il s’exclamait ainsi dans les Souvenirs orientaux :  » Et bien ! faut-il le dire ? je rêve parfois que celle qui fut ma pupille n’est pas encore tout à fait affranchie de ma tutelle, et qu’après l’avoir exhumée des excavations de Milo, je pourrai l’arracher peut-être à cette obscurité où elle vit sous les voûtes froides et sombres du Louvre ; enfin je me figure que j’use de mes derniers droits en réclamant pour elle un rayon de ce soleil qui vit son enfant et illumina sa beauté.  »

Retiré de la vie publique sous la monarchie de Juillet, le vicomte de Marcellus se retrancha dans ses terres aquitaines, tout en entretenant un culte de l’esthétisme hellénique. Dans la dernière décennie de sa vie, il fut occupé à la rédaction de sept ouvrages portant sur les Grecs anciens, médiévaux et modernes, notamment une édition des Dionysiaques de Nonnos. Tous ces ouvrages philhelléniques puisaient dans les quatre années de son séjour à Constantinople (1816-1820) et il est fort à penser que la présence de la Vénus de Milo, à qui il « récitait des vers d’Homère » lui insufflait l’inspiration. Elle était posée fièrement sur une base qui porte encore l’inscription : VENUS VICTRIX / RAPPORTE DE MILO EN 1820 PAR LE VICOMTE DE MARCELLUS / DONNEE AU ROI PAR LE MARQUIS DE RIVIERE / AMBASSADEUR A CONSTANTINOPLE/ ET PAR LE ROI A LA FRANCE.
L’inscription sur la base rappelle qu’à travers les nombreuses grilles d’interprétation de l’évènement les différents acteurs se disputèrent la gloire de sa découverte, et notamment Rivière et Marcellus. Rivière en donateur de la Vénus au Roi, l’avait emporté, même si le nom de Vénus Rivière proposé par M. de Clarac et approuvé par le comte de Forbin n’avait pas été retenu. Un cartel posé en 1822 sur la base précisait que la statue avait été donnée par le Marquis de Rivière : « VENUS VITRIX. Découverte à Milo en 1820/ Donnée au Roi par M le Ms de Rivière son Ambeur à Constantinople. », sans mention de Marcellus. En 1833, Marcellus demanda que son nom soit aussi mentionné au bas de la statue, où une étiquette fut rajoutée. Au château de Marcellus, la mention « RAPPORTE DE MILO EN 1820 PAR LE VICOMTE DE MARCELLUS » rappelle aux visiteurs le rôle fondamental joué par le propriétaire des lieux qui n’hésitât pas à comparer son attachement à la Vénus de Milo à de l’idolâtrie (Revue contemporaine, 1854, p.289).

Et cette main tenant la pomme, posée négligemment sur le bord de la base près de la Vénus sans bras, semble rappeler au Vicomte de Marcellus sa prédestination à trouver Aphrodite, lui qui publie un souvenir en 1854 où il se compare à Pâris : « Heureux Pâris, s’écrie-t-il ! vous ne surveillez pas assez votre Hélène !…Je réponds en souriant que sur un vaisseau de guerre français, les canons et ma vigilance suffisent à Vénus. »

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