Cluny, Bourgogne, Provenant probablement de l'Abbaye

Torse d’homme barbu ou prophète

PRÉEMPTÉ par le CMN-Centre des Musées Nationaux pour le compte du Musée Ochier de Cluny.

Vers 1115-1130
Sculpture en pierre calcaire fragmentaire
Accident et restauration

24,10 cm

Acquis par Irma Lorbet (1873-1926) à Cluny. Ancienne Collection Joseph Altounian

Estimation : 60.000-80.000 €

Prix au marteau : 60.000 €

Littérature en rapport :N. Stratford, Studies in Burgundian Romanesque sculpture, Pindar, 1998,2 vol;
J.D. Salvèque, «Découverte et identification de la tête d’un personnage du linteau du portail de Cluny III» , in Bulletin du Centre d’Études clunisiennes, 2002, p.31-33 J.D. Salvèque, «Quelques témoins sculptés de l'architecture religieuse de Cluny», in Bulletin du centre d'études clunisiennes, 2004, p.31-39;
J.D. Salvèque, «Cluny, trois découvertes importantes se rapportant à l’église abbatiale de Cluny III», in Bulletin du Centre d’Études clunisiennes, 2005, p.23-28
M. Sainsous, «Cluny III grand portail, encore une découverte», in Bulletin du centre d'études clunisiennes, 2006, p.52-53;
N. Stratford (dir.), Corpus de la sculpture de Cluny. Les parties orientales de la Grande Église Cluny III, 2 vol., Paris, éd. Picard, 2011;
J.D Salvèque, «Pérégrination de fragments oubliés, entre collections privées et collections publiques», in Hors série histoire antique et médiévale Cluny , 1120 - au seuil de la Major Ecclesia, Édition Faton, 2012, p.52-53 Y. Christe, «L e grand portail de Cluny III: les interférences de la tradition tardo-antique, romaine et islamique sur un monument atypique», in Hortus Medievalium, vol.20; 2014.
Ss dir. N. Stratford, Cluny 910-2010: onze siècles de rayonnement, Édition du Patrimoine, CMN, 2018, pp.96-115.

Acquis dans les années 1920 par Irma Lorbet (1873-1926) et conservé précieusement depuis lors par la famille Altounian, ce buste d’époque romane appartient à l’ensemble des rares vestiges du décor de la prestigieuse abbaye bourguignonne de Cluny. Sa présentation à diverses expositions et son étude dans différents articles liés à l’histoire du décor de l’abbatiale confortent sa provenance et son importance. Considéré comme « membra disjecta», il est le témoin de l’histoire houleuse du plus important édifice religieux européen de l’époque médiévale, victime d’un des actes de vandalisme les plus graves de l’histoire du patrimoine français.

Son style reflète des caractéristiques des ateliers clunisiens actifs sur le troisième chantier du portail occidental de l’église, dont l’exécution a eu lieu dans les années 1115-1130 sous l’abbatiat de Pons de Melgueil (1109-1122) ou de Pierre le Vénérable (1122-1156). Ces particularités ont été mises en exergue par D. Salvèque et B. Maurice lors de l’exposition de 1988, date à laquelle l’œuvre a été pour la première fois confrontée au corpus étudié.

Notre personnage est coiffé d’un bonnet dit « juif » au tissage grossier qui le classe dans la catégorie des prêtres ou des prophètes.

De longues mèches stylisées finissant en boucles laissent appa- raitre les oreilles et retombent sur les épaules. Le nez étroit et long à l’angle très fermé fait le lien avec les sourcils. Les yeux en goutte d’eau présentent une pupille ronde profondément creusée au trépan, à l’instar des yeux de l’ange ou de ceux de l’apôtre du Musée Ochier (N°inv.K.J. Conant 4811.A et N°inv. 248.20). Dans les cavités oculaires venaient probablement se loger des incrustations. La barbe est réalisée en stries régulières, plutôt raides
et étroites, les pommettes sont légèrement marquées et les lèvres, bien dessinées et serrées, sont surmontées d’une moustache aux deux mèches partant du milieu. Le fragment du torse laissant apparaître une draperie dite « à bourrelets » aux plis horizontaux courbes et parallèles, est sensiblement proche d’un certain nombre d’autres frag- ments de draperies (Musée Ochier : n°inv.232.11.3 ou inv.III 740 ; Conant 232 A,B,C,D; 236.813). Désolidarisée aujourd’hui de son support, l’œuvre était à l’origine pla- cée en hauteur, de biais par rapport au spectateur, intégrée dans une composition sculptée plus large.

Comme l’a observé C. T. Little, tous ces détails iconographiques rapprochent notre tête à l’allure solennelle de l’ange fragmentaire conservé au Metropolitan Museum of Art (New York, N°inv.47.101.20) dont la provenance ancienne supposée était l’église de Moutiers- Saint-Jean (anciennement église du monastère de Saint-Jean-Réome). Or, une analyse pétrographique a confirmé que cet ange avait été exécuté à Cluny. C. Little l’identifie comme un élément du décor du grand portail de l’abbaye bourguignonne.

N. Stratford a, quant à lui, récemment souligné le rapproche- ment stylistique de notre œuvre avec l’un des chapiteaux de cette église de Moutiers-Saint-Jean. Il rapporte que le style de ce chapiteau orné de scènes de vendanges, actuellement conservé au musée du Louvre (N°inv.R.F.1992), se rattache directement au répertoire et au style du portail de l’abbaye. Les études réalisées jusqu’à présent s’accordent donc pour situer l’œuvre à Cluny et la dater de la même période que le décor du portail de l’église abbatiale. Son emplacement originel sur le mythique grand portail de Cluny III ou sur un autre emplacement dans l’église reste encore à prouver.

Tout comme notre tête de prophète, trois œuvres majeures pro- venant du portail de l’abbaye et de l’église de Moutiers-Saint-Jean ont été acquises par Irma Lorbet dans les années 1920. Elles ont ensuite été vendues par l’intermédiaire de Joseph Altounian, son beau-fils, à de prestigieuses institutions.

L’Ange a été acquis par le Metropolitan Museum of Art, l’aigle de saint Jean et le chapiteau aux scènes de vendange par le musée du Louvre.

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