École anglaise néoclassique vers 1800 d'après l'antique
Tête d’un compagnon d’Ulysse
Marbre blanc
H. 66 cm
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Estimation : 12.000 / 15.000 €
Prix au marteau : 36.100 €
N° de lot : 70
-Brendan Cassidy, The life and letters of Gavin Hamilton (1723-1798): artist and art dealer in eighteenth-century Rome, Londres, Harvey Miller Publishers, 2011 ;
-Guillaume Faroult, L'Antiquité rêvée : innovations et résistance au XVIIIème siècle, cat. exp., Paris, musée du Louvre, 2 décembre 2010-14 février 2011, Paris, Louvre éditions, 2010, pp. 68-69 ;
-Viccy Coltman, Classical sculpture and the culture of collecting in Britain since 1760, New York, Oxford University Press, 2009 ;
-Henri Lavagne, " Deux antiquaires à la villa d'Hadrien ", in Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, 2004, pp. 72-76 ;
-Jacques Charles-Gaffiot, Henri Lavagne, Hadrien : trésors d'une villa impériale, cat. exp. Paris, Mairie du Vème arrondissement, 22 septembre-19décembre 1999, pp. 95-97, oeuvre en rapport répertoriée sous le n° 74, p. 231 ;
-Brian Francis Cook, The Townley marbles, London, British Museum publications1, 985, modèle répertorié sous le n° 47, pp 16-18.
OEuvre de référence :
-Tête d’un compagnon d’Ulysse (Fragment), première moitié du IIème siècle ap. J.-C., marbre, H. 74 cm, Villa d’Hadrien, collection Townley, Londres, The British Museum, inv. 1805, 0703.86.
OEuvre en rapport :
-Tête d’un compagnon d’Ulysse, époque d’Hadrien, marbre blanc, H. 70,5 cm, Cité du Vatican, Musées du Vatican, inv. 695.
L’oeuvre antique qui a servi de modèle à cette Tête d’un compagnon d’Ulysse est retrouvé entre 1769 et 1771 lors des fouilles archéologiques dirigées par le peintre écossais et antiquaire Gavin Hamilton (1723-1798, au Pantanello, lieu situé dans le domaine de la villa d’Hadrien à Tivoli, près de Rome. Au XVIIIème siècle, encouragées par la redécouverte de l’antiquité classique ainsi que le développement du collectionnisme en parallèle du Grand Tour, les fouilles se sont multipliées en Italie. De 1730 à 1776, le comte Fede sonde alors les sols de la Villa d’Hadrien. Le terrain marécageux dans le domaine de la Villa appartenait à Luigi Lolli, maire de Tivoli, qui avait fait la découverte de sculptures autour de l’étang. En 1769, Gavin Hamilton et Giovanni Battista Piranesi (1720-1778), dessinateur et graveur, s’associent, acquièrent le terrain du Pantanello et décident de s’en partager les découvertes. L’assèchement du marais se révèle être une laborieuse et fructueuse entreprise. Selon l’accord établi avec Piranesi, Gavin Hamilton récupère les oeuvres les plus importantes qu’il revend rapidement à des collectionneurs européens, dont l’anglais Charles Townley (1737-1805). Avant leur rencontre en 1772, Gavin Hamilton et Charles Townley entretiennent déjà une correspondance régulière dans laquelle l’antiquaire rend compte de ses recherches et de l’état des oeuvres découvertes à l’amateur d’antiques. Plus tard, dans une lettre datée du 18 mai 1779 adressée au collectionneur, Gavin Hamilton résume ses recherches effectuées au Pantanello et explique que les bustes et portraits retrouvés enfouis dans la boue sont les mieux conservés. Dans cette même lettre, il établit une liste des principales découvertes réalisées pendant les fouilles et leur localisation ; il se souvient en particulier d’une tête de héro grec maintenant en possession du destinataire, Charles Townley. D’abord échangée avec Thomas Jenkins, collectionneur et marchand d’art, cette tête antique a ensuite été acquise par Charles Townley le 18 février 1772 pour £200.
Charles Townley réalise plusieurs séjours en Italie. Dès son retour à Londres en 1774, il étudie rigoureusement les oeuvres rapportées de son Grand Tour ou achetées plus tard aux antiquaires anglais établis à Rome. L’amateur propose plusieurs hypothèses pour identifier cette tête antique : une tête de titan, un héro homérique ou encore un portrait de Diomède. En 1957, la découverte dans la grotte de Tibère à Sperlonga d’un groupe daté postérieurement mais plus complet, représentant l’aveuglement du cyclope Polyphème permet d’affirmer qu’il s’agit bien d’une tête de héros issu de l’Odyssée d’Homère, et, plus précisément d’un compagnon d’Ulysse.
À l’image des collectionneurs anglais du XVIIIème siècle, Charles Townley rédige plusieurs catalogues de ses acquisitions dans lesquels il indique un titre, le nom de l’antiquaire, le prix de l’oeuvre et une description académique fondée sur ses échanges avec d’autres amateurs et sur des sources anciennes. Une huile sur toile de Johann Zoffany illustrant Charles Townley et ses amis dans sa bibliothèque à Park Street, Westminster (1790, H. 127x L. 99,1 cm, Burnley, Towneley Hall Art Gallery and Museum, inv. BURGM :paoil120) le figure assis sous un buste d’Homère, entouré des plus beaux et importants antiques de sa collection, parmi lesquels la Tête d’un compagnon d’Ulysse, le Discobole et la Vénus Townley. Sa maison située à Park Street devient un musée ouvert au public et aux artistes. La collection réunit plus de 350 marbres antiques dont 79 bustes et portraits acquise par le British Museum pour £20.000 en 1805, après le décès de Charles Townley. L’importante popularité dont a bénéficié cette collection de Charles Townley nous invite à rapprocher notre Tête d’un compagnon d’Ulysse de la production néoclassique anglaise du tournant du XVIIIème siècle. Parmi les artistes ayant pu admirer cette oeuvre chez Townley nous pouvons plus particulièrement citer Sir Richard Westmacott (1775-1856). Formé auprès de son père Richard Westmacott l’Ainé (1746-1808), le scultpeur part en 1792 à Rome où il étudie à l’académie de Saint Luc puis à Florence où il remporte le premier Prix. Il fait la rencontre d’Antonio Canova avec qui il entretient une correspondance entre 1796 et 1820. En 1796, à l’approche des troupes françaises en Italie, il rentre en Angleterre. Le sculpteur découvre probablement la collection de Charles Townley, véritable vitrine du Grand Tour, à son retour. L’amateur d’antiques apporte d’ailleurs son soutien au jeune sculpteur à plusieurs reprises pour la réalisation de monuments publics commandés pour l’Abbaye de Westminster et la cathédrale Saint-Paul de Londres. L’aspect idéalisé de notre buste suggère qu’il s’agit d’une élégante interprétation canovienne du modèle antique. Richard Westmacott ayant déjà illustré son talent en exécutant une copie de l’Apollino lors de son séjour italien et semble s’inspirer de cette tête homérique pour l’esclave du Monument à William Pitt réalisé entre 1807 et 1815. Élu académicien royal en 1811, il devient professeur de sculpture à la Royal Academy en 1827.