Jean-Léon Gérôme (1824-1904) et René Lalique (1860-1945)

Tête antiquisante

Bronze à patine médaille et peinture argent et visage en verre bleu
Restauration ancienne au menton.
On y joint un envoi de l’artiste sur une carte de visite : « Cher ami, je vous envoie une petite tête en verre que vous devriez avoir depuis longtemps. Je les avais complètement oubliées dans un meuble que je n’ouvre jamais. Affectionné JL. Gérôme »

12 cm

-

Estimation : 10.000 / 15.000 €

Prix au marteau : 30.000 €

N° de lot : 132

Littérature en rapport :

Œuvres en rapport :
-Jean-Léon Gérôme, Buste de Bellone, bronze doré et patiné noir brun, visage en bois polychrome, yeux en verre, pupilles en paillon, médaillon en verre de Lalique, H. 87 x L. 47 cm, signé sur le piédouche « J.L Jérôme », Musée de Vesoul, inv. 945.2.5 ;
-D’après Jean-Léon Gérôme, Actrice grecque antique, vers 1897, env. 19. X. 11,5 cm, toile intégrée à la couverture fantaisie d’Aristophane, n°447 du catalogue raisonné de l’artiste (Ackermann 2000)

Inédite jusqu’à présent, cette petite tête en bronze et verre bleu, petit objet précieux et intimiste, révèle la foisonnante créativité de Jean-Léon Gérôme. Alors qu’il a déjà reçu tous les honneurs pour son Oeuvre peint, l’artiste débute tardivement, en 1878, une carrière officielle de sculpteur. Ce nouveau média est pour lui un véritable champ d’expérimentation où il inscrit ses sujets favoris présentés précédemment dans ses toiles -les sujets inspirés de la culture antique-, et sa nouvelle implication dans la réhabilitation de la polychromie dans la statutaire, tel que se révèle peu à peu l’art monumental grec. Cette quête de la couleur inébranlable et sa curiosité rigoureuse le conduisent à tester les nouveaux procédés mis au service de la production artistique par la révolution industrielle et à collaborer avec un cercle d’artistes novateurs. Ainsi le visage en verre est une œuvre de René Lalique que Gérôme associe à l’une de ses sculptures majeures, le bronze chryséléphantin grandeur nature, intitulé Bellone, présenté avec fracas au Salon de 1892. L’artiste lui commande en effet un petit masque décoratif de Méduse qu’il intègre au centre de l’armure de Bellone. Une lettre indique qu’à cette occasion il commande même à l’artiste un certain nombre de petits masques : « Ce sera une question d’essai avec les différentes espèces de masques de couleurs que vous avez exécutés…». Cet intérêt pour la valorisation des arts précieux et cette collaboration avec Lalique se concrétise avec la fondation en 1897 de la Société de l’art précieux pour lequel Gérôme devient président.
Ici le masque primitif de Méduse (les liens formant un nœud sous son cou rappellent cette fonction initiale) a été intégré dans un montage en bronze constituant une tête antiquisante s’inscrivant dans le monde cher à Gérôme de la culture grecque classique. Notre petite œuvre témoigne ainsi de la prédilection de l’artiste pour les masques de théâtre antique qu’il intègre systématiquement dans les scènes peintes prenant son atelier pour décor. On y reconnait d’ailleurs la coiffure d’un masque que porte sur son dos une actrice antique grecque dans une de ses toiles datées vers 1897.

(1.)Lettre Jean-Léon Gérôme à René Lalique, Paris, début 1892 : « Cher Monsieur, J’ai reçu le petit masque : il est d’une couleur charmante, peut-être un peu monotone ; nous verrons l’effet qu’il produira quand dans trois semaines nous aurons monté la figure entière. Ce sera une question d’essai avec les différentes espèces de masques de couleurs qui ont été exécutés, et je prendrai d’ailleurs votre avis à ce sujet. Celui en émail recueille tous les suffrages, tous les éloges ; quel dommage que nous ne puissions l’employer ! Nous lui trouverons quand même une manière d’être présenté. Merci encore de vous être intéressé à mes recherches ; permettez-moi d’ajouter que c’est justice car je m’intéresse beaucoup aux vôtres. Mes plus cordiales salutations, JL Gérôme »

17 décembre 2021 Ader Nordmann Hôtel Drouot, salle 1
Voir le diaporama