GERMAINE RICHIER (1902 - 1959)

Sava Alexandra

1944
Buste à mi-corps en bronze à patine brune
Signé « G. Richier » et numéroté 6/8 sur le côté gauche
Marque du fondeur estampé sur l’œuvre « L.THINOT Fondeur Paris »
Certificat de Françoise Guiter du 25.06.2005.

H. 84 cm

Collection Particulière.

Estimation : 25.000 / 30.000 €

Prix au marteau : 60.000 €

Littérature en rapport :- Germaine Richier, Sava Alexandra, 1944, Bronze patiné foncé, Kunsthaus, Zürich.
Littérature en rapport :
- Plastiken : Marino Marini, Germaine Richier, Fritz Wotruba-Zeichnungen : Rodin, Maillol, Despiau », Bern Kunsthalle, 9 juin - 8 juillet 1945, n°36 ;
- Nesto Jacometti, Artistes étrangers en Suisse : Germaine Richier, Vie Art Cité, Lausanne, juillet 1946 ;
- Manuel Gasser, “Germaine Richier”, in Werk, Winthertur, mars 1946, n°3, p.69-77 ;
- « Germaine Richier » n°11 (plâtre original), Zurich, Kunsthaus, 12 juin-2 juillet 1963 ;
- Germaine Richier, Rétrospective, Fondation Maeght, 5 avril - 25 juin 1996, N° 13 p.44-45
- J. Merkert, A. Lammert, C. Lichtenstern, Germaine Richier, Akademie der Künste, Berlin , 1997, p.87, n°17 ;
- Sarah Wilson, “Germaine Richier : disquieting matriarch”, in The Sculpture Journal, vol.14, N°1, dec.2005, pp. 51-70 ;
- Valérie da Costa, Germaine Richier, un art entre deux mondes, collection Essais, édition Norma, 2006 ;
- L’histoire du buste au XXème siècle, autour de Bourdelle et de ses élèves, musée Bourdelle, Paris, 1964 ;
- H.L Andral, Valérie da Costa, Germaine Richier, La Magicienne, musée Picasso d'Antibes, du 6 octobre 2019 au 26 janvier 2020 ;

Notre œuvre, un buste d’adolescente intitulée Sava Alexandra, est une œuvre -jalon de l’art vibrant, animé et animal, inscrit dans la matière, de l’artiste majeure du XXème siècle Germaine Richier.
Réalisée en 1944, en pleine guerre, pendant sa période d’exil en Suisse, cette figure de jeune fille, la poitrine naissante, les bras levés en signe d’attente ou de (dés)espoir, laisse apparaître les prémisses frémissantes de la transformation de l’art de Germaine Richier.
Cette œuvre est en effet à la fois marquée par ce qu’elle a retenu de plus capital lors de sa formation : de son expérience auprès de Bourdelle, dans l’atelier duquel elle travaille jusqu’à la mort de ce dernier en 1929, elle en a gardé la rigueur de la figure par l’intermédiaire du buste, le travail académique du portrait et du nu, nécessaire à la captation de l’humain. Son expérience précédente dans l’atelier de Louis-Jacques Guigues, ancien praticien de Rodin, lui a transmis un intérêt fondamental pour l’une des signatures novatrices du grand maître : l’art de l’accident, novation de la Modernité, inscrite dans la matière.
La typologie de notre œuvre, le buste, témoigne de son attachement pour ce type académique, qu’elle affectionne pour la rigueur et la concentration qu’il impose. En 1944, elle a déjà réalisé près d’une trentaine de bustes, dont La Régodias (1938) ou La Chinoise (1939). Elle épuise ce thème « comme elle épuise ses modèles », pour en faire ressurgir la substantifique moelle. Reconnue sur la scène internationale dès les années 30, elle vend à l’Etat en 1937, une figure de nu adolescent, Loretto I (1934) dans la veine duquel s’inscrit notre œuvre. Elle le travaille, une nouvelle fois, dans le désarroi de la guerre naissante, en Juin 40 (Loretto 2), en renforçant son déhanchement, allongeant son corps qui paraît encore plus maigre et augmentant la main gauche qui en devient disproportionnée.
Comme Loretto II, les proportions du buste et des bras sont démesurément et intentionnellement longs ; le premier semblant vouloir s’inscrire dans la terre, les seconds voulant comme toucher le ciel : le corps de la jeune femme servant de lien entre une terre meurtrie et un ciel qui abandonne l’humain. L’exactitude du corps est aussi mise à l’épreuve par l’armature apparente qui offre un prolongeant surnaturel au torse devenu gracile, dans un continuum des formes structurantes et structurées, manière de l’artiste en devenir.
Percluse dans le laborieux travail de la pose, Sava Alexandra est modelée puis naît dans la matière élémentaire du bronze. La vibrance donnée à l’épiderme laisse affleurer les bourrasques de l’esprit adolescent, en écho à la guerre.
La corporéité de l’être humain, si frêle ici, est aussi marquée par ce traitement grumeleux, accidenté, précédemment utilisé dans l’Escrimeuse en 1943. On doit probablement y entendre un écho à son voyage réalisé en 1935 à Pompéi, pendant lequel elle a été très frappée par les êtres pétrifiés.
Alors qu’elle a déjà réalisé en 1940, Le Crapaud, que La Sauterelle petite est aussi en cours de réalisation en cette année 1944, Sava Alexandra marque, à l’instar du temps de l’adolescence, cet état entre deux temps, qui annonce la nouvelle esthétique de l’artiste, mêlant les mondes animal, humain et végétal : cet état fera naitre l’Homme-forêt en 1945.

 

Sava Alexandra symbolise la chrysalide sortant de son cocon, de la manière classique du buste et du portrait de l’adolescence s’extrait l’émancipation d’une émotion vibrante et singulière de Germaine Richier.

02 juillet 2020 Crédit Municipal de Paris 5 rue des Francs-Bourgeois 75004 Paris
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