Félicie de Fauveau (1801 -1886) et Hippolyte de Fauveau (1804-1887)

Sainte Réparate

Terre cuite polychromée, rehauts d'or
Signée et datée "DE FAUVEAU 1855" sous l'oeuvre et HP. [pour HIPPOLYTE] de/ Fauveau / F. [pour FELICIE] [facie]bant / Florentia / 1855 sur le côté gauche
Titrée "Santa REPARATA" sur le devant et inscription "8 DIE OCT 1865" dans le cartouche supérieur
Petites restaurations

H : 90 x L : 33 cm

Collection de la princesse Marie-Antoinette de Bourbon-Siciles (1814-1898), grande-duchesse de Toscane, probablement en 1865 ou après 1870 dans sa propriété de Schloss Ort, rebaptisée Villa Toscana (Gmunden, Autriche) ; Collection de l'industriel Karl Wittgenstein qui acquiert la villa Toscana au début du XXe siècle ; Offert par ce dernier à sa fille Margarethe (1882-1958), épouse du collectionneur américain Jerome Stonborough et sœur du philosophe Ludwig Wittgenstein ; Collection du Major John Jerome Stonborough (1912-2002); Puis descendance ; Legs de la famille Stonborough à l'actuelle propriétaire ; Collection particulière, Autriche

Estimation : 10.000/15.000 €

Prix au marteau : 60.000 €

Littérature en rapport :-Archives Nationales, Paris : Fonds privés Félicie de Fauveau, sous-série 723AP/1, dossiers 1 à 5;
Isabella Blagden, "Felicie de Fauveau", in 'The English Women's Journal', vol. II, n° 8, octobre 1858, p. 91;
Elizabeth Fries Ellet, 'Women Artists of all ages and countries', New York, 1859, p. 232;
-J. Barbotte, "Catalogue scientifique de l'oeuvre", in Félicie de Fauveau : héroïne vendéenne et sculpteur romantique, 1801-1886, thèse, Paris, Ecole du Louvre, 1971, p. 150;
-Félicie de Fauveau. L'amazone de la sculpture, catalogue de l’exposition. Les Lucs-sur-Boulogne, Historial de Vendée, 15 février-19 mai 2013 et Paris, musée d'Orsay, 11 juin – 15 septembre 2013, Gallimard, 2013, ill. 43 (photographie vers 1870 : Félicie de Fauveau devant la sculpture de Santa Reparata, Album des Antiques), ill. 69 (photographie de 1855 : 'Terre Cuite Sta Reparata Florence 1855, Balcarres, album "Ouvrages", fol. 32,) p. 216, n°54, p.336.

Cette rare sculpture en terre cuite polychromée représentant ‘Santa Reparata’ (Sainte Réparate) est un remarquable témoignage de l’art de Félicie de Fauveau, mêlant romantisme, culte de l’héroïsme et influence de l’art gothique.

Amie intime de Paul Delaroche, Félicie de Fauveau est considérée comme la plus célèbre des femmes artistes romantiques de la Restauration. Catholique et Légitimiste, elle prend part aux insurrections vendéennes en faveur de la branche aînée des Bourbons après la Révolution de 1830. Condamnée à l’exil, elle choisit de s’installer à Florence en 1834, et ce, jusqu’à sa mort en 1885. Elle trouve dans cette ville cosmopolite, terre d’asile pour tous les exilés d’Europe, un lieu d’inspiration élevée, entouré de l’esthétique de Dante et des formes pures du Moyen Age. Personnalité cultivée, elle jouit d’un prestige particulier, bénéficiant de la protection amicale et fidèle de la demi-sœur de la duchesse de Berry, l’épouse du grand-duc de Toscane, Marie-Antoinette de Bourbon-Siciles. Son atelier, qu’elle dirige avec son frère Hippolyte, est considéré comme un lieu de visite obligé des aristocrates et des amoureux de l’art. Ceux partageant ses orientations politiques deviennent de précieux commanditaires.

Cette ‘Santa Reparata’ s’inscrit parfaitement dans la veine artistique de l’artiste. La composition intégrant une figure dans une niche ou un encadrement architectural élaboré est l’une de ses constructions de prédilection. L’artiste l’utilise dès la fin des années 1830, comme en témoignent le ‘Monument à Dante’ (1836) et les ‘bénitiers à l’ange’ exécutés pour la comtesse de la Rochejacquelein (1835) et pour la grande-duchesse de Toscane (1845). Le sujet, la représentation de saints triomphants, est l’un des thèmes favoris de la sculptrice. Vouant une dévotion particulière à saint Michel, Félicie de Fauveau élargit progressivement son répertoire aux figures de saintes héroïnes de l’époque médiévale. Elle exécute ainsi une ‘Sainte Geneviève’ (1841), deux versions d’une ‘Sainte Elisabeth’ (1843) et une ‘Sainte Dorothée’ présentée à l’Exposition Universelle de 1855. Cette même année 1855, elle réalise sainte Réparate.

La sainte patronne de Florence est représentée en pied, tenant la croix de l’Eglise, la bannière de la Résurrection et la palme du Martyr. Une niche architecturée ornée de fruits et de feuillages, témoigne de l’influence de l’art environnant florentin, notamment celui des Della Robbia. Si le style de l’œuvre se rapproche de celui du ‘Monument consacré à la mémoire de Louise Favreau’ (1854, église Santa Croce), sa grande particularité est surtout son médium.

L’effroyable épidémie de choléra de 1855, qui désorganise la vie à Florence et probablement celle de son atelier, oblige l’artiste et son frère, qui collabore étroitement avec elle, notamment sur la taille des marbres, à utiliser l’argile, matériau moins couteux que le bronze ou le marbre :  » Nous nous sommes jetés Hippolyte et moi dans cette voie afin de prolonger un peu sans paye d’ouvrier ou donner le ton que l’on veut « . La terre cuite polychromée permet en effet à l’artiste de valoriser son sens du détail et son attachement à la couleur. Ce médium enthousiasme la sculptrice : « je suis fort occupée d’essais en terre cuite qui jusqu’à présent font merveille. Elles ne coûteront pas plus que des plâtres, seront éternelles comme les Etrusques, transportables et portant jusqu’au moindre trait de la pensée ! J’en suis à ma troisième épreuve … 1″.

Le choléra est probablement aussi responsable du choix iconographique de l’œuvre, car ‘Santa Reparata’ est la sainte protectrice contre cette maladie. Félicie, dont la mère tombe malade durant l’été, décrit des scènes de dévotion désespérée de ses compatriotes, où  » les images qui ont sauvé de la peste du Boccace sont exposées sur des autels … ² ». Le recours généralisé à la religion et sa propre ferveur ont pu orienter son choix.

Cette œuvre pourrait avoir été remise à son amie la grande-duchesse de Toscane en souvenir de ce terrible événement. Marie-Antoinette de Bourbon-Siciles est en effet également victime du choléra à l’automne 18553. Remise de cette maladie, elle semble vouer une reconnaissance particulière à la sainte. Une lettre envoyée à Félicie, datée du jour de la ‘Santa Reparata, 1867’ (soit le 8 octobre), rappelle l’attachement de la grande-duchesse à l’événement4. De plus, la date de 1855 gravée dans la terre sur le côté gauche de l’œuvre est accompagnée d’un cartouche indiquant le 8 octobre 1865 : le jour correspondant à la fête de la sainte et la décennie suivant l’épidémie. Ce pourrait-il que l’artiste ait offert cette œuvre en ex voto à la rescapée ? Ou bien une vague de nostalgie pour la Toscane a-t-elle incité la grande-duchesse, déchue et exilée depuis 1859, à mettre sa demeure autrichienne, la ‘Villa Toscana’, sous la protection de la sainte florentine ?

L’œuvre a été préservée précieusement et en toute discrétion jusqu’à nos jours. Sa localisation était considérée comme  » inconnue  » dans la dernière publication sur l’artiste5. Sa réapparition sur le marché de l’art est un événement pour la connaissance (notamment la collaboration de son frère) et la reconnaissance de l’œuvre de Félicie de Fauveau.

 

  1. Archives Nationales : Fonds privés Félicie de Fauveau, 723AP/1, dossier n°1, Lettre à la comtesse de La Rochejaquelein du 8 septembre 1855
  2. A.N. : 723AP/1, dossier n°1, Lettre à la comtesse de La Rochejaquelein du 18 août 1855
  3. A.N. : 723AP/1, dossier n°1, Lettre à la comtesse de La Rochejaquelein du 7 novembre 1855
  4. A.N. :723AP/1 dossier n°5, Lettre de la grande-duchesse à Félicie de Fauveau du 8 octobre 1867
  5. Félicie de Fauveau. L’amazone de la sculpture, op cit. p.336, n°54.

 

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