Ecole brabançonne, atelier des Borman

Sainte Barbe

Vers 1480-1510
Fort-relief en pierre calcaire avec traces minimes de polychromie originale, creux pour fixation dans le milieu du dos
(Usures à l'épiderme et accidents de surface, éclats sur les parties saillantes)

H. 70 cm

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Estimation : 20.000 / 30.000 €

Prix au marteau : 21.000 €

Littérature en rapport :-Debaene, Marjan (ed.), Borman : a family of Northern Renaissance sculptors (tent. M – Museum Leuven, 20.09.2019 – 26.01.2020), Londen-Turnhout, 2019.

Lot 220

 

Œuvres en rapport :

– Jan Borman I, Catherine d’Alexandrie, vers 1480-1490, bois de chêne avec traces de polychromie originale, H. : 70 cm, chêne avec traces de polychromie originale, église saint Pierre, Pellenberg.

– Jan Borman II, Vierge à l’Enfant, vers 1490-1500, pierre calcaire, H.194 cm, Anvers, Fondation Phoebus,

-Jan Borman II, La Vierge à l’Enfant, vers 1500, chêne avec polychromie, dim.106 cm, église collégiale Saint Etienne à Soignies, musée du chapitre.

Notre sculpture en pierre calcaire représente une des saintes les plus populaires et les plus honorées de la fin de l’époque médiévale, sainte Barbe ou Barbara. Debout, vêtue élégamment et offrant à voir un beau visage menu et ovale au front bien dégagé portant un bandeau serti d’une fleur centrale, elle tient haut, au-dessus de sa hanche droite, la maquette d’une tour, son attribut principal. Ce dernier rappelle, que, selon l’hagiographie traditionnelle, son père, gouverneur à Nicomédie, l’a enfermé après son refus d’un mariage et surtout son choix d’embrasser la religion chrétienne. Cette tour hexagonale reprend fidèlement les éléments traditionnels de l’architecture domestique gothique. Sa porte en arc brisé accueille un tympan en croisillons renvoyant aux herses caractéristiques des entrées de châteaux forts et ouvre sur un escalier à vis. L’aspect militaire est accentué par la présence d’un encorbellement en mâchicoulis supportant le sommet de la tour alternant créneaux et merlons et par deux meurtrières. La valeur impénétrable de cet édifice souligne son enfermement mais renvoie également à son vœu de chasteté.

Et, paradoxalement, la porte d’accès est représentée ouverte … elle complète les deux fenêtres, pour symboliser la Trinité. Cette brèche à la prison n’indique-t-elle pas aussi que la jeune femme a pu s’échapper spirituellement de son enfermement physique en embrassant la religion chrétienne ?

Rien dans son attitude, posée, sereine, élégante, ne laisse entrevoir les souffrances du martyre qu’elle a subi : décapitée par son propre père Dioscore.

Ce dernier, puni pour son acte, meurt foudroyé juste après l’avoir exécutée. Ce châtiment divin a donné à la sainte le statut de protectrice des artilleurs, des sapeurs, des mineurs, des armuriers, des artificiers et des pompiers, enfin, plus généralement, de tous ceux qui courent le risque d’une mort subite.

De par ses fonctions de protection et son rôle d’auxiliatrice, sainte Barbe est l’une des saintes les plus représentées dans l’art médiéval avec Catherine d’Alexandrie, Madeleine et Marguerite.

Parmi ses nombreuses représentations, notre sculpture se distingue par sa très grande qualité. Si les éléments spécifiques à l’architecture fortifiée prouvent la grande dextérité du travail de la microarchitecture, ce sont surtout les caractéristiques du drapé et du visage qui permettent de la rapprocher de la production de l’atelier brabançon le plus célèbre et le plus important de la fin du Moyen Age et du début du XVIème siècle : L’atelier des Borman.

Cette famille brabançonne spécialisée dans la production d’œuvres sur bois a compté au moins six artistes sur quatre générations successives, entre les années 1460 à 1530.

Outre la grande qualité d’exécution et l’harmonie de la composition d’ensemble, notre œuvre présente les éléments stylistiques caractéristiques de l’atelier: une longue silhouette équilibrée par un pied chaussé d’une socque à l’avant de la base et un léger contrapposto ; légèrement penchée en avant, une tête délicate au front haut et coiffée de longues mèches ondulées, ceinte d’un bandeau à fleuron central, des yeux en amandes, un nez droit et fin, un menton rond et une petite bouche menue esquissant, de ses lèvres fines et un peu pincées, un sourire presqu’énigmatique. On retrouve également le même jeu des drapés, s’inspirant des modèles de van Eyck et van de Weyden. Le pan du manteau ramené sur le devant et son extrémité coincée sous son coude gauche entrainent la succession de plis cassés en V inversés. L’extrémité de la robe tombe en plis anguleux recouvrant la base. Un certain nombre de saintes auxiliatrices et de Vierges, de style très proche et de mêmes dimensions sont répertoriées dans le catalogue publié en 2019 (voir littérature en rapport plus haut). Parmi les 350 œuvres recensées dans le corpus des œuvres attribuées aux Borman, rares sont celles taillées dans la pierre, connues et conservées. Après la Vierge à l’Enfant en pierre calvaire, réapparue sur le marché de l’art en 2017 (vente Pierre Bergé du 1er juin 2017, Paris Drouot) et acquise par la fondation Phoebus à Anvers, notre œuvre augmente encore le champ d’étude de ce prolixe et réputé atelier.

22 janvier 2021 Christophe Joron-Derem Hôtel Drouot, salle 1
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