Souabe ou Bavière, vers 1510-1520
Sainte Anne trinitaire
Fort-relief en bois polychromé et doré, dos évidé
Accidents, restaurations, polychromie reprise postérieurement
H. : 80 cm, L. : 54,8 cm
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Estimation : 15.000 / 18.000 €
Prix au marteau : 15.000 €
N° de lot : 1
-Guillot de Suduirot, S., Sculptures allemandes de la fin du Moyen Age dans les collections publiques françaises 1400-1530, cat. exp., Paris, Musée du Louvre, 1991, pp.46-47 ; pp. 211-225 ;
-Franz Niehoff, Vor Leinberger Landshuter Skulptur im Zeitalter der Reichen Herzöge 1393-1503, Band 2, Landshut, 2001, Notice 82, p.482-483 ;
-Rainer Kahsnitz, Carved Splendor: Late Gothic Altarpieces in Southern Germany, Austria and South Tirol, Getty Publications, 2006 ;
-Brigitte Reinhardt, Daniel Mauch, Bildhauer im Zeitaltter der Reformation, Hatje Cantz, Cantz Verlag, 2009.
OEuvres en rapport:
– Anonyme, Sainte Anne trinitaire, bois avec traces de polychromie, vers 1500, H.40,5 cm, Landshut, abbaye de Seligenthal ;
-Hans Leinberger, Sainte Anne trinitaire, vers 1505, tilleul avec traces de polychromie d’origine, H. 87 cm, Münich, Bayerisches Nationalmuseum , inv. 75/156 ;
-Hans Leinberger, Sainte Marie Madeleine, Bavière, v. 1520, tilleul, H.166 cm, Munich, Bayerisches Nationalmuseum, inv. 13/303.
-Daniel Mauch et Atelier, Sainte Anne trinitaire, 1510-1515, Chapelle Sainte Anne, Steinbausen an der Rottum ;
-Atelier de Daniel Mauch, Sainte Anne trinitaire avec saints Joseph et Joachim, vers 1510-1515, haut relief, dim. : 85 x 55 x 23 cm, Tomerdingen (Alb Donau-Kreis), église Mariä Himmelfahrt.
Exécuté en Souabe ou Bavière au début du XVIe siècle, ce spectaculaire groupe composé de sainte Anne assise portant sur chacun de ses genoux la Vierge figurée en enfant et Jésus illustre un thème iconographique largement diffusé à l’époque médiévale tardive sous l’appellation de Sainte Anne Trinitaire.
Absente des Saintes Écritures, la vie de sainte Anne est citée dans le Protévangile de Jacques (2ème moitié du IIe siècle). La sainte connait dès le XIIIe siècle un culte extrêmement populaire fondé notamment sur un récit de la Légende doré de Jacques de Voragine. À la suite des visions de sainte Colette de Corbie au XVe siècle, ses représentations se multiplient et notamment celle d’une Trinita Humanissima dans une relation hiératique. La grand-mère de Jésus joue effectivement un rôle fondamental dans la conception de la Trinité : regroupée avec la Vierge et l’Enfant Jésus, Anne fait contrepoids à la Trinité divine composée du Père du Fils et du Saint Esprit. Elle intervient aussi dans une conception trinitaire très féminine de la Sainte Famille, dans laquelle elle se substitue à Joseph. Les premières représentations offrent à voir la Mère de la Vierge portant sa fille, soit assise sur ses genoux, soit dans ses bras, comme en miroir de l’iconographie de la Vierge à l’Enfant. Cette dernière porte parfois, par un effet gigogne, l’Enfant dans ses bras ou bien entre en relation avec lui, assis sur l’autre genou ou dans l’autre bras d’Anne, et ce, par des gestes créant un lien étroit entre eux (don d’une grappe de raisin, pomme, livre, etc…)
Ici, l’Enfant Jésus lui tend l’orbe (symbole de la portée eschatologique de son pouvoir terrestre) comme s’il s’agissait d’une balle, donnant au groupe un double niveau de lecture : celui d’une charmante scène quotidienne où deux enfants jouent sur les genoux de leur mère et celui doctrinal, d’une sainte Anne au rôle matriarcal et protecteur, investie dans la cycle de la Passion du Christ : les yeux fixes , perdue dans ses pensées, la grand-mère du Christ est volontairement distante du jeux des enfants ; elle semble avoir la préscience de la destinée de l’enfant et de son rôle.
Cette image se cristallise au XVIe siècle à travers plusieurs variantes dans lesquelles l’image de la sainte domine Marie et l’Enfant Jésus par ses dimensions et par son âge. Des variantes trouvent des appétences régionales, à l’instar de la représentation de sainte Anne debout avec la Vierge et Jésus en gigogne, très en vogue dans le Brabant.
Au tournant du XVIe siècle, après la reconnaissance de la fête de l’Immaculée Conception par le Pape Sixte IV en 1476, la figuration de sainte Anne trinitaire connait un nouvel essor dans tout le Sud de l’Allemagne. Elle est reprise par les artistes les plus célèbres de la région, notamment Veit Stoss, Tilman Riemenschneider, Jörg Lederer ou Klaus Weckmann.
Elle est aussi particulièrement appréciée et diffusée, en Souabe par l’artiste actif à Ulm, Daniel Mauch, et en Bavière, par Hans Leinberger qui a établi son atelier à Landshut où un groupe sculpté vers 1500 présentant déjà cette composition était conservé à l’abbaye de Seligenthal.
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