Giacomo Spalla (1775-1834)

Portrait d’Etienne Vincent de Margnolas (1781-1809)

Buste en marbre antique
Signé, localisé et daté sur le côté gauche de la base : « SPALLA. NAPOLEONIS I. SCULPTOR SCVLPSIT TAVRINI MDCCCVIII. »
Titré sur le devant de la base : « STEPHANUS. VINCENTE / HONOR. LEG. EQVUS / PROVINCEIÆ. AD. PADVM. PRÆFECTUS. »

H. 59,6 x L. 28,2 x P. 27,5 cm

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Estimation : 30.000 / 40.000 €

Prix au marteau : 35.000 € - PRÉEMPTION DU CHÂTEAU DE VERSAILLES

N° de lot : 104

Littérature en rapport :- Gérard Hubert, La Sculpture dans l’Italie napoléonienne, Paris, Éditions E. de Boccard, 1964, p. 311-315.
- Ferdinand Boyer, Le Sculpteur Giacomo Spalla et l’administration napoléonienne à Turin, Florence, G. Barbera, 1964.

Œuvres en rapport :
– Joseph Chinard, Etienne Vincent de Margnolas (1791-1809), Conseiller d’Etat et préfet, 1809, terre cuite, signée « Chinard de Lyon », H. 64 x L. 64 x P. 38 cm, New York, The Frick collection, inv. 2004.2.01 (fig.1)
– Francesco Tanadei (1770-1825), Étienne Vincent de Margnolas, profil en cire, diam. 7,2 cm, Turin, Museo di Palazzo, Madama, inv. 70AV.

Résolument néoclassique et arborant les codes du portrait officiel antique, ce buste taillé dans le plus fin bloc de marbre antique représente l’un des plus hauts magistrats du Premier Empire, Étienne Vincent de Margnolas. Il a été exécuté par le plus célèbre sculpteur piémontais, Giacomo Spalla, entré au service de Napoléon 1er en 1807, à cette période charnière où l’Italie vient de perdre son statut de République pour devenir un royaume sous le joug de Napoléon couronné roi d’Italie à Milan en 1805.

Natif de Turin, Giacomo Spalla a étudié dans sa ville natale avant de se rendre à Rome vers 1791. Dans la ville éternelle, il fréquente l’Académie de saint Luc où il se forme auprès d’Antonio Canova. La rigueur de son style est tout autant marquée par les canons « canoviens » que par la stricte application des théories de Winckelmann. Il se range aux côtés des artistes pour qui, dans l’art du portrait, les valeurs morales d’un sujet ne sont jamais mieux traduites que par une représentation strictement « all’antica ».
Très attaché à ses origines turinoises, sa carrière s’inscrit principalement dans la capitale piémontaise. Mais après l’annexion par la France du Piémont en 1802, il répond à des commandes officielles françaises ; l’administration impériale lui commande en 1805 trois bustes de Napoléon d’après le modèle de Chaudet pour les palais piémontais. Il est nommé en 1807 « Sculpteur de Sa Majesté et conservateur du Musée impérial de Sculptures de Turin ». Il sculpte alors des bustes de la famille impériale ou des bas-reliefs à la gloire des grandes batailles de l’Empereur. Si ses portraits se caractérisent par la solennité calme et noble qu’impose une commémoration héroïque, Giacomo Spalla reste aussi fidèle à une transcription au plus près des traits de ses modèles, comme en témoigne ce très beau portrait d’ Étienne Vincent de Margnolas. En 1808, le fraîchement nommé « Sculpteur de Sa Majesté » s’attelle à l’exécution de ce buste très officiel, comme en témoigne la titulature latine se référant au modèle romain des charges de magistrature, du jeune préfet du Pô, Étienne Vincent de Margnolas.
Étienne Vincent de Margnolas est un personnage dont l’ascension fulgurante sous l’Empire n’est interrompue que par une mort précoce en 1809, à l’âge de 28 ans. Issu d’une famille de robe d’origine lyonnaise, il est attaché au ministère des Finances en 1807 quand Napoléon le nomme commissaire de l’empereur du gouvernement de Varsovie. Il est ensuite rapidement fait Chevalier de la Légion d’Honneur, préfet du Pô en 1808, puis conseiller d’État en 1809. C’est une figure exemplaire promise aux destinées les plus hautes que le Maréchal Davout dépeint comme quelqu’un qui « réunit à une très bonne tête, beaucoup d’instruction, un cœur très chaud, de la dignité (…) »

Giacomo Spalla a trouvé en cet éminent personnage un modèle idéal pour mettre en application ses théories. Le sculpteur piémontais pérennise les vertus morales et le parcours exemplaire d’ Étienne Vincent de Margnolas par un portrait d’une grande et puissante simplicité. Sans costume ni accessoire, découpé en hermès, les yeux blancs à l’antique, la tête légèrement orientée de côté, le buste de ce grand serviteur de l’Empire est en outre taillé dans un magnifique marbre antique, sans doute un réemploi. Spalla, rigoriste à l’extrême, évite les marbres piémontais de seconde qualité et, dans l’idée d’inscrire dans la postérité l’héroïsme de son jeune modèle, le fige dans un marbre intemporel dont le grain légèrement mordoré tempère un peu l’austérité. Si l’on compare le buste de Spalla au pourtant plus célèbre portrait du même Margnolas par Joseph Chinard, on est frappé par le calme et la puissante monumentalité qui s’en dégage et qui rend, par contraste, le portrait virtuose et sophistiqué du sculpteur lyonnais gratuitement spectaculaire et bavard.

21 mars 2023 Ader Nordmann Hôtel Drouot, salle 9
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