François-Nicolas Delaistre (1746-1832)

Philoctète, dans l’Ile de Lemnos, se plaignant aux Dieux de la blessure qu’il s’est faite avec les flèches d’Hercule, esquisse du morceau d’agrément à l’Académie, vers 1785

Terre cuite

H. 34,5 x L. 20,5 x P. 19,5 cm

- Resté dans la descendance de l’artiste. - Vente Beaussant-Lefèvre, Paris, Hôtel Drouot, 5 novembre 2021, n° 104.

Estimation : 15.000 / 20.000 €

Prix au marteau : 37.000 €

N° de lot : 214

Littérature en rapport :- A. Jal, Dictionnaire critique de biographie et d’histoire, Paris, 1867, p. 483.
- S. Darroussat, « François-Nicolas Delaistre (1746-1832) : sculptures retrouvées ou inédites, portraits de famille », in Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, année 2005, publiée en 2006, p. 117-122 et 142, reproduit p. 120-121.

Œuvre en rapport :
Une terre cuite plus esquissée, moins aboutie, reprenant la même idée de composition mais inversée, attribuée à Delaistre, est passée en vente chez Sotheby’s, New York, le 27 janvier 2023 sous le n° 551.

Élève de Louis-Claude Vassé et de Félix Lecomte, François-Nicolas Delaistre est déjà âgé de 26 ans lorsqu’il remporte enfin, en 1772, le Grand Prix de Sculpture qui lui permet de partir pour l’Italie. À l’Académie de France à Rome où il séjourne entre 1773 et 1777, il est remarqué par les grands collectionneurs que sont Bergeret de Grancourt et le comte d’Orsay. À son retour à Paris, ces soutiens lui permettent d’obtenir d’importantes commandes et de vivre de son art alors qu’il n’est agréé à l’Académie qu’en 1785. À cette occasion, Delaistre présente un plâtre figurant Philoctète dans l’île de Lemmos que son agrément à l’Académie l’autorise à exposer au Salon dans la même année. Le sujet est dans l’air du temps depuis 1783. La représentation à la Comédie Française d’une tragédie à succès de François de la Harpe, extraite du Philoctète de Sophocle, inspire de nombreux artistes. Ils s’emparent dès lors du thème à la mode du héros masculin seul face à l’adversité. On peut citer les sculpteurs Charles-Louis Corbet en 1782 ou Barthélémy Corneille en 1790 ; les peintres Jean-Joseph Taillasson en 1784 ou encore Jean-Germain Drouais en 1788. Conservée chez les descendants de l’artiste jusqu’à nos jours, notre esquisse en terre cuite, première pensée pour le morceau d’agrément de Delaistre, a été publiée en 2006 dans une communication de Séverine Darroussat : François-Nicolas Delaistre (1746-1832) : sculpture retrouvées ou inédites, portraits de famille. Le sculpteur représente ici un Philoctète abandonné sur l’île de Lemnos, assis sur un rocher dans une composition générale qui n’est pas sans rappeler celle du morceau de réception que présenta à l’Académie trente ans plus tôt, en 1751, son maître Louis-Claude Vassé, Un berger endormi (marbre, H.71 cm, Paris, musée du Louvre, inv. MR2111). Le malheureux héros est émacié, le visage crispé, prétexte pour Delaistre à une étude d’expression : la douleur. L’esquisse est enlevée et expressive tout en gardant une certaine retenue qui nous ramène à la noble souffrance contenue du Laocoon. Le sculpteur montre ici clairement son adhésion aux théories de Winckelmann qui soutient l’héritage de l’Antiquité et une forme de retenue solennelle dans le pathos.

23 mars 2023 Ader Nordmann Hôtel Drouot, salle 9
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