Étienne-Pierre Adrien Gois (1731-1823)
Monument à Nicolas La Pinte de Livry, évêque de Callinique, abbé de Sainte-Colombe à Sens (1715-1795)
ca. 1778
Maquette préparatoire en terre cuite
Signé et daté " Gois 1778 " au revers de l'œuvre
Porte une étiquette au-dessous de l'œuvre relatant toute l'exécution
(Petits accidents et restauration au niveau du bras droit de la Charité.)
Haut. : 33,5 cm ; Haut. : 17,5 cm ; Larg. : 14,7 cm (la terrasse)
Collection particulière, Paris
Estimation : 8.000 / 12.000 €
Prix au marteau : 38.000 €
N° de lot : 88
-Émile Molinier et Frantz Marcou, Exposition rétrospective de l’Art français des origines à 1800, Paris, Librairie centrale des Beaux-arts, Emile Levy éditeur, planche illustrée (petit bronze sur la commode en acajou ornée de plaques en porcelaine et bronzes par Benneman) ;
-Stanislas Lami, Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XVIIIème siècle, Paris, 1911, t.1 p.381 ;
-Ss auteur, « Travaux intéressant l’Académie », dans Académie des Beaux-Arts, Bulletin trimestriel n°16 juillet-décembre 1932, p.163 ;
-Geneviève Bresc-Bautier, Guilhem Scherf, Bronzes français, de la renaissance au siècle des lumières,
Paris, Musée du Louvre édition et Somogy, édition d’art, 2008, notice 127, p. 454 ;
-Guilhem Scherf, « Cet artiste a de l’idée » (Diderot) : Etienne Pierre Adrien Gois (1731-1823), sculpteur, dessinateur et graveur », in Mélanges autour du dessin en l’honneur d’Emmanuelle Brugerolles, Silvana Editiorale, 2022, p.206.
Œuvre en rapport :
-Etienne Pierre Adrien Gois, Monument à Nicolas La Pinte de Livry, évêque de Callinique, abbé decSainte-Colombe à Sens. (1715-1795), groupe de la Charité et buste en bronze sur un rocher en marbre, le tout placé sur un socle en marbre blanc, H. 85 cm, signé » Goi(s) 177(8) », Paris, bibliothèque de l’Institut, objet 164.
Nicolas La Pinte de Livry (1715-1795) est un ecclésiastique fortuné, érudit, amoureux des arts et des lettres, tel que l’on en croise dans les milieux aristocratiques éclairés de la période prérévolutionnaire. Docteur en Sorbonne en 1742, il devient rapidement évêque in partibus de Callinique en Syrie, abbé d’une riche abbaye près de Sens et auxiliaire de l’évêque de Mâcon. Le désormais prélat collectionne peintures, gravures, dessins et livres rares. Il fréquente les cercles artistiques, côtoie les peintres Toqué, Parizeau, Jeaurat et se lie d’amitié avec Pierre-Alexandre Wille. Retiré à Sens en 1764 il fait dons à la bibliothèque de la Ville de Paris de nombreux livres précieux et de recueils de gravures.
Comme pour nombre de sculpteurs de la même génération, le souvenir de la belle carrière d’Etienne Pierre Adrien Gois (1731-1823), habile et talentueux sculpteur, est quelque peu éclipsé par la grande popularité posthume d’Augustin Pajou et de Claude Michel, dit ‘Clodion’. D’abord élève du peintre Etienne Jeaurat avant d’entrer dans l’atelier de Michel-Ange Slodtz, Gois est premier prix de sculpture en 1757. Il entre à l’Ecole royale des élèves protégés et part pour l’Académie de France à Rome en 1760. De retour à Paris en 1764, il est agréé à l’Académie royale de peinture et de sculpture puis, en 1770, nommé académicien en présentant un admirable buste en marbre de Louis XV. Il reçoit des commandes royales, décore des édifices civils et religieux et s’adonne avec succès au genre du portrait ou de la petite statuette pour collectionneur. C’est peut-être par l’entremise de son ancien professeur le peintre Jeaurat, connaissance de l’évêque, que le sculpteur rencontre Nicolas La Pinte de Livry.
Notre maquette en terre cuite est un projet très abouti pour un monument en l’honneur de Monseigneur de Livry. L’idée de la composition générale s’inspire sans doute d’une gravure de Savart et du peintre Wille, ami du prélat (bibliothèque de l’Institut, Tremblot, 1931, p.48-50). La composition est pleine d’élégance et de charme : le buste de l’évêque, encore jeune et souriant est posé au sommet d’un mausolée. Autour de l’effigie de l’évêque de grandes feuilles déroulées, une palette et les attributs de la sculpture viennent rappeler la passion de l’homme d’église pour les arts. De l’autre côté du portrait, un livre et un miroir entouré d’un serpent évoquent l’érudition et la Prudence, une des trois Vertus théologales. À la base du piédestal, Gois a modelé en haut relief, avec une énergie enthousiaste, un groupe allégorique d’une autre des Vertus théologale, la Charité. A l’aide d’un léger drapé, une belle et chaste figure féminine recouvre tendrement et protège d’un geste délicat un bambin endormi, elle en nourrit un autre à son sein généreux tandis qu’un troisième s’agrippe à elle pour faire ses premiers pas. Ce groupe, à la fois doux et mouvementé, anime avec bonheur la stricte et digne ordonnance de la composition.
Gois sculpte en 1778, à la demande de Monseigneur de Livry, un grand bas-relief en marbre figurant La Charité de saint Nicolas pour la cathédrale de Sens. Nous ne savons pas s’il existe un lien entre cette commande officielle et notre maquette datant de la même année 1778. On peut se demander, au regard de l’existence d’un même petit monument en bronze et marbre présenté par le sculpteur au Salon de 1779 (Paris, Bibliothèque de l’Institut, inv. Objet 164) si notre terre cuite n’est finalement pas née pour rester à la même échelle. Cet admirable projet en est-il vraiment un ? Cette maquette a-t-elle pour objet la réalisation d’un grand monument ? La mode est alors à la petite statuette en terre cuite venant orner les bibliothèques et les cabinets d’amateurs. Le petit monument pourrait être un élégant présent du sculpteur au commanditaire du prestigieux relief de la cathédrale de Sens. On connait le goût du prélât pour les objets de collections ainsi que sa générosité envers la bibliothèque de l’Institut, où semble, de plus, avoir toujours été conservée la version en bronze du Salon de 1779. On peut supposer que le l’évêque, fier et heureux de cet élogieux portrait, ait fait fondre en bronze, et sculpter dans un matériau noble, une version du petit monument pour en faire don à l’institution, gardant pour son plaisir et son cabinet d’érudit, la charmante maquette en terre cuite qui nous est parvenue.