Jacob Sigisbert Adam (1670-1747)

Louis XIV foulant l’hérésie

Esquisse en terre cuite
(Accidents et manques)

H. 50 cm

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Estimation : 6.000 / 8.000 €

Prix au marteau : 27.000 €

Littérature en rapport :-Ss. dir. Pierre Hippolyte Pénet et Guilhem Scherf, Les Adams, la sculpture en héritage, cat. exp. Nancy, Musée des Beaux-Arts, 18 septembre 2021-9 janvier 2022, coéditions Nancy Musées et Snoeck, Gand, 2021, pp.44-46 ;
-Nicolas Milovanovic, Alexandre Maral (dir.), Louis XIV : l'homme et le roi, cat. exp., Versailles, Château de Versailles, 20 octobre 2009-7 février 2010, Paris, Skira-Flammarion, 2009 ;
-Jean Hubac, « Louis XIV et la Fronde », dans Histoire par l'image, septembre 2015 [en ligne] ;
-Alexandra Woolley, « L'oeuvre de miséricorde du Roi : la statue de Louis XIV pour l'Hôtel de Ville de Paris par Antoine Coysevox, 1687-1689 », dans Les Cahiers de Framespa, 2012 [en ligne].

Lot 200

 

Oeuvres en rapport :
-Gilles Guérin, Louis XIV terrassant la Fronde, 1653, modèle en terre cuite, H.53,5cm, Paris, musée du Louvre, département des sculptures, inv. RF4742 ;
-Antoine Coysevox, Portrait de Louis XIV, 1687, bronze, H.250 cm, Paris, musée Carnavalet, inv. S29 ;
-Cornelis Vermeulen (d’après un dessin de Louis de Boulogne le Jeune), Louis XIV terrassant l’hérésie, eau-forte, Paris, BNF département des estampes et de la photographie ;
-Jacob Sigisbert Adam, Charles V de Lorraine terrassant un Turc, vers 1700, terre cuite, H. 34 x 14 x10 cm, collection privée ;
-Jacob Sigisbert Adam, Mars, façade de la maison de la famille Adam, 57 rue des Dominicains, Nancy.

Cette esquisse en terre cuite représentant Louis XIV foulant l’Hérésie est une œuvre nouvellement découverte et donnée à l’artiste nancéen, Jacob SIGISBERT ADAM, fondateur de la dynastie des Adam. Cette grande famille de sculpteurs français a compté sur trois générations plus de dix artistes, dont Claude Michel, dit Clodion, et a contribué au rayonnement sans précédent de la sculpture française dans toute l’Europe du XVIIIème siècle.

Notre œuvre reprend une iconographie utilisée par la monarchie depuis le début du XVIIème siècle : le roi français vêtu à l’antique. Cette iconographie du monarque triomphant a servi précocement de support à l’image de Louis XIV vainqueur de la Fronde, comme en témoigne dès 1653 l’œuvre de Gilles Guérin (1606-1678), Louis XIV, roi de France (1643-1715), terrassant une figure allégorique de la Fronde (terre cuite, 53 x 33 x18 cm, Paris, musée du Louvre, inv.RF 4742 et groupe en marbre exécuté en 1654 conservé au Château de Chantilly).
Cette sculpture emblématique et ce sujet iconographique sont substitués après la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685 par une thématique plus positivement ‘pacificatrice’ pour la politique du pays. Antoine Coysevox (1640-1720) initie ce mouvement en 1687 en représentant le roi en empereur romain pacificateur, accoudé sur un faisceau lié de palmes, symbole de la paix, et non plus en guerrier. Cette idée est soulignée par des scènes en bas-reliefs ornant le socle de cette statue (aujourd’hui dans la cour du musée Carnavalet, inv. S29) promouvant l’image d’un roi très chrétien : le premier bas-relief représente La Piété donnant à manger aux pauvres ; le second La Religion terrassant l’Hérésie.
Cette thématique du roi triomphateur du catholicisme est si importante que l’un des deux médaillons ajoutés au monument de la Place des Victoires exécuté par Martin Desjardins (1637-1694) représente aussi L’hérésie détruite. Ce thème scellant l’autorité politique et religieuse du Roi connait ensuite une large diffusion, notamment via des médailles frappées en 1685 et 1686.

Notre œuvre, à l’instar de la sculpture en marbre de Louis Leconte (1644-1694) réalisée vers 1685-86 (aujourd’hui détruite) et de la gravure diffusée par Cornelis Vermeulen (1644-1708), nous montre le triomphe du Roi très chrétien écrasant un homme représentant l’allégorie de l’hérésie. Chez Adam, comme sur le bas-relief en bronze de Coysevox précité, l’homme terrassé et nu tient le masque de la duplicité et est couché sur un livre, la Bible, et un serpent. De part et d’autre du souverain à la pose hiératique se tiennent deux figures féminines : l’une casquée, cuirassée et tenant un bouclier représente sans doute Minerve et l’allégorie de la Guerre ; l’autre, hélas très fragmentaire, devait sans doute incarner la Paix.

L’usage de la terre cuite, le thème de notre groupe, l’attitude de Louis XIV de profil, certaines approximations de proportions (le torse exagérément long), le modelé du nez proche du « portrait-charge » rapprochent sans équivoque notre œuvre du Charles V de Lorraine terrassant un Turc de Jacob Sigisbert Adam. Ce portrait allégorique de Charles V jusqu’alors inédit et conservé dans une collection particulière est actuellement présenté dans l’exposition organisée par le Palais des Ducs de Lorraine-Musée lorrain : Les Adam, la sculpture en héritage.

On y remarque par ailleurs le même soin apporté aux deux cuirasses, l’une arborant le soleil royal, l’autre le blason du duché de Lorraine. Les détails ornementaux sont réalisés par de petites incisions vives et rapides dans la terre. L’attitude en fort contrapposto et la pose à l’équilibre précaire des deux portraits peuvent être directement mises en relation avec l’œuvre de référence de l’artiste, la figure de Mars sur la façade sculptée de la maison des Adam au 57 rue des Dominicains à Nancy.
Comme l’indiquent les auteurs dans l’introduction du catalogue de l’exposition : « L’œuvre de Jacob Sigisbert, aussi incomplètement connu soit-il, se situe, pour ce qui concerne les portraits, dans le contexte grandiose du Siècle de Louis XIV. Ce n’est pas un hasard si la figure de Charles V triomphant reprend celle de Louis XIV vainqueur de l’hérésie ». Notre esquisse en terre cuite, apparait dans ce contexte, comme une œuvre jalon dans la production de l’artiste.

18 novembre 2021 Lynda Trouvé Hôtel Drouot, salle 1
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