Théodore Géricault

Le Cavalier du Parthénon

Cire appliquée sur deux planches de bois
Accidents et manques


H. 45.2 cm, L. 53.9 cm

Général Antoine-Fortuné de Brack (1789-1850), Evreux, mentionné dans sa collection par Charles Blanc en 1845 ; - Fortuné Chabert de brack (? – 1928), petit-fils du précédent ; - Edouard Mortier, duc de Trévise (1883-1946), mentionné dans sa collection en 1928 ; - sa vente, Hôtel Drouot, Paris, 8 décembre 1947, lot 20 (adjugé 26 000 fr.) ; - Hubert de Saint-Senoch (1913-1983) ; - sa vente, Sotheby Park Benet, Monaco, 4-6 décembre 1983, lot 667 (adjugé 51 060 fr.) ; - Seibu Department Stores ltd, Tokyo, Japon.

Estimation : 15.000 / 20.000 €

Prix au marteau : 17.000 €

N° de lot : 165

Littérature en rapport :

De la main de Géricault, icône de la peinture romantique, on ne connait, tout au plus, que six sculptures considérées comme autographes. Mis à part notre Cavalier du Parthénon, elles sont toutes sculptées en ronde-bosse. Notre unique bas-relief est fait de cire modelée et appliquée sur deux planches de bois. On peut dater ce rare morceau de sculpture du second séjour londonien du peintre en 1820. Il s’agit d’une copie réduite de l’un des personnages de la frise ouest du temple du Parthénon. L’ensemble de la frise est alors connu des artistes à travers toute l’Europe par le biais de dessins et de gravures. Thomas Bruce, comte d’Elgien et ambassadeur de Grande-Bretagne en possède des fragments et des moulages rapportés de l’Acropole en 1799 qu’il cède par la suite, en 1816, au British Museum. C’est là que Géricault a pu les admirer. De la part du peintre rouannais on ne s’étonne guère du choix d’un tel sujet parmi toutes les figures antiques dont il aurait pu s’inspirer. Il a dû retrouver ici l’élégance virile et la fougue brutale du spectacle de la course de chevaux libres qui l’a tant impressionné à Rome quelques années plus tôt. On pourrait même affirmer que la figure du cheval cabré symbolise à elle seule et la vie et l’œuvre de Géricault. Il a tant peint et dessiné l’animal dans cette posture fière et farouche, et l’on sait qu’une chute de cheval lui sera fatale trop peu d’années plus tard. Le peintre devait faire grand cas de cette œuvre unique pour l’avoir d’abord et, malgré sa grande fragilité, rapportée d’Angleterre puis, sans doute gardée dans son atelier jusqu’à sa mort (inventaire après décès du peintre, sous le n° 90 on trouve « …un modèle de cheval monté par un cavalier en cire… »). Par la suite, le formidable pedigree de l’œuvre rend hommage à cet attachement : elle passe entre les mains des plus grands connaisseurs et collectionneurs du peintre, entre autres le général de Brack (1789-1850) et le duc de Trévise (1883-1956). Et c’est en bonne place qu’on retrouve le Cavalier du Parthénon dans l’exposition rétrospective du Centenaire en 1924 (n°347).
Dans son Histoire des peintres français au XIXème siècle, l’écrivain et directeur de l’Académie des Beaux-Arts Charles Blanc (1913-1882) décrit notre cavalier de cire et, tout à son admiration sans borne pour l’artiste, y voit « …un chef-d’œuvre sans prix, bien digne, en effet, de Phidias, mais toutefois d’un modelé plus ressenti que ne le sont les sculptures de l’artiste grec. ». Pour sa part, Luc Benoist dans son essai La sculpture romantique (1994) voit en Géricault « …le premier nom de la sculpture nouvelle » et « A sa mort, il était en effet en train de devenir un grand sculpteur d’une audace telle qu’il faudra attendre jusqu’à Rodin pour retrouver son égal ». De fait, les quelques sculptures du peintre de La Méduse qui nous sont parvenues montrent une technique instinctive, une liberté lyrique et une autorité évidente et novatrice. Le groupe du Cavalier du Parthénon, pourtant modelé dans une cire fragile et translucide, dégage paradoxalement une force et une énergie que l’on retrouve tout au long de la trop courte carrière de Géricault ; et ce tout particulièrement quand il s’agit de nous faire voir sa flamme et son amour immodéré de la chose équestre.

25 mars 2022 Thierry de Maigret Hôtel Drouot, salles 1 et 7
Voir le diaporama