Augustin Pajou (Paris, 1730 - 1809)

L’Amour dominateur des éléments

Terre cuite
Signée 'PAJOU. F' au dos
(Restauration à une aile)
Repose sur une base en bois sculpté


H. 37 cm, H. 39 cm

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Estimation : 250.000 / 300.000 €

Prix au marteau : 240.000 €

N° de lot : 129

Littérature en rapport :James David Draper et Guilhem Scherf, 'Pajou. Sculpteur du Roi 1730-1809', cat. exp. Paris-New York, 1997, p. 166

Augustin Pajou, doué d’un grand talent et d’une facilité qu’il exerce dans les genres de la sculpture et du dessin, entre dans l’histoire comme le  » sculpteur du Roi « . S’il répond à de nombreuses commandes royales, construit sa carrière au plus près de l’Académie et réalise de nombreux portraits officiels, il n’en oublie pas pour autant sa clientèle privée, ses nombreux amis et son important réseau de relations, façonnant pour eux des petites statuettes raffinées en terre cuite mais également, et c’est là un aspect moins connu de son activité, imaginant des modèles de fontaines exécutés ensuite en plomb. Notre Amour s’inscrit doublement dans ce corpus d’œuvres pour amateurs que Pajou présente régulièrement au Salon.
Ainsi, au Salon de 1769, le sculpteur expose l' » L’Amour, Dominateur des Elémens  » pour lequel le livret précise :  » Cette Figure, de grandeur naturelle, est exécutée en plomb pour Madame la Duchesse de Mazarin « . La fontaine, qui a aujourd’hui disparu, était disposée dans une niche de la salle à manger de l’hôtel de la commanditaire, quai Malaquais. Jusqu’à ce jour, seuls deux dessins de l’artiste (fig. 1)1, ainsi qu’un discret croquis de Gabriel de Saint-Aubin en marge de son livret de Salon (fig. 2)2, nous permettaient d’apprécier cette figure. Notre terre cuite inédite, probablement exécutée pour recueillir l’approbation de la duchesse de Mazarin avant la réalisation de la fontaine en plomb, constitue une importante découverte et un apport majeur pour la connaissance que nous avons de l’œuvre du sculpteur.
Louise-Jeanne de Durfort de Duras (fig. 3), duchesse de Mazarin (1735-1781) fut l’une des protectrices les plus engagées de nombreux artistes de son temps, architectes, sculpteurs, ébénistes et orfèvres, tels que Martin Carlin et Pierre Gouthière, dont les réalisations ornaient son hôtel particulier du quai Malaquais. Très réputée et admirée, sa collection fut dispersée après sa mort par le peintre et marchand d’art Le Brun, qui ne cache pas son admiration pour le goût raffiné de la duchesse, qui avait rassemblé l’un des plus beaux cabinets de curiosité de son temps, ainsi que les  » porcelaines les plus rares, les marbres les plus précieux, les meubles du meilleur goût, les bijoux les mieux choisis3 « .
D’un grand raffinement et parvenu jusqu’à nous dans un bel état de conservation, cet Amour d’Antoine Pajou est signé avec vigueur dans la terre crue à l’arrière. Une comparaison avec la feuille anciennement dans la collection Beurdeley (fig. 1) nous montre peu de différences entre les compositions dessinée et modelée, hormis peut-être dans la position de la tortue sur laquelle se tient l’Amour, plus orientée vers la gauche sur le dessin.
Pajou semble avoir pris ici quelques libertés avec l’iconographie traditionnelle des Quatre Eléments. Nous retrouvons bien les oiseaux, attributs habituels de l’Air, et ce qui semble être une créature aquatique, tenue par l’Amour dans sa main gauche, qui constituait probablement la bouche de la fontaine, pour l’Eau. La tortue (terrestre) serait-elle alors le symbole de la Terre et la nuée évoquant une fumée à l’arrière celui du Feu ?
Merveilleux exemple de l’inventivité et de la dextérité de Pajou, cet Amour dominateur des éléments en terre cuite possède la rondeur, la chaleur de teinte et le charme propres à ce médium, l’un des rares permettant le contact direct du créateur avec un matériau malléable et obéissant. Cette sensibilité, que le plomb avait dû quelque peu atténuer, transparaît dans les nombreux détails de cette statuette, écailles de la tortue, boucles souples de la chevelure, plumes esquissées des colombes, faisant de celle-ci un manifeste du talent d’Augustin Pajou et un précieux témoignage pour l’histoire du goût au soir du règne de Louis XV.

1. Le premier figure dans la vente de la collection Jean Masson, Paris, galerie Georges Petit, 7-8 mai 1923, n° 179 et le second, actuellement à la Galerie Terrades, provient des collections Beurdeley et Félix Oppenheim.
2. G. de Saint-Aubin, croquis de l’Amour dominateur des éléments’ de Pajou en marge du livret du Salon de 1769, Paris, Bibliothèque nationale de France.
3. J. B. P. Le Brun, ‘Catalogue raisonné des marbres, jaspes, agates, porcelaines anciennes, laques, beaux meubles, lustres, feux & bras de bronze doré par Gouttier, boîtes de laque, lapis, & autres formant le cabinet de Madame la duchesse Mazarin’, Paris, vente le 10 décembre 1781 et les jours suivants.

09 novembre 2022 Artcurial Hôtel Marcel Dassault, 7 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris
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