Giovanni Bonazza (Venise, 1654-Padoue, 1736)

L’Adoration des Mages

Circa 1731
Bas-relief en terre cuite, dans un encadrement en bois
Anciennes restaurations, empoussièrement, traces de patine noire et usures

Dim : 25 x 95 cm - Dim. de l'encadrement : 30 x 100 x 8 cm

Galleria Diego Gomiero, Milan - Padoue.

Estimation : 150.000 / 180.000 €

Prix au marteau :

Littérature en rapport :Bibliographie :
- De Vicenti Monica, "The Adoration of the Magi by Giovanni Bonazza", Scalpendi Editore, Milan, 2017
- Sous la direction de Catherine Loisel, catalogue de l'exposition " Éblouissante Venise: Venise, les arts et l'Europe au XVIIIe siècle " ; RMN, Paris 2018 ; cat.76, reproduit page 116.

Exposition :
- " Éblouissante Venise : Venise, les arts et l'Europe au XVIIIe siècle ", exposition tenue à Paris au Grand Palais, du 24 septembre 2018 au 21 janvier 2019 ; cat.76.

Œuvre en rapport :
- Giovanni Bonazza, " L'Adoration des Mages ", bas-relief en marbre de la chapelle del Rosario dans la basilique Santi Giovanni e Paolo.

L’esquisse de « l’Adoration des Mages » de Giovanni Bonazza que nous présentons ici est un important et rare témoignage de l’histoire de la sculpture à Venise au XVIIIe siècle. Il s’agit d’une étude préparatoire, en terre cuite originale, pour un grand bas-relief en marbre exécuté par l’un des plus éminents sculpteurs vénitiens oeuvrant vers 1730 dans le cadre du prestigieux chantier de décoration de la chapelle du Rosaire dans la basilique Santi Giovanni e Paolo.

Né à Venise en 1654, Giovanni Bonazza fait son apprentissage dans sa ville natale, dans l’entourage du sculpteur d’origine flamande, élève de Duquesnoy, Giusto Le Court (1627-1679) et du maître génois Filippo Parodi (1630-1702). C’est cette double influence, le naturalisme vénitien de Le Court associé au baroque importé de Rome par Parodi qui fait de Bonazza une personnalité à part dans le foisonnement artistique de la Sérénissime au tournant du XVIIe siècle. Sans toutefois couper les liens avec la Cité des Doges dans laquelle il a œuvré pendant vingt ans, Bonazza intègre en 1697 la prestigieuse  » Fraglia dei Tagliapietra « , la guilde des tailleurs de pierre de Padoue. C’est dans cette ville que le sculpteur installe définitivement son important atelier où collaboreront ses deux fils, Antonio (1698-1762) et Francesco (1695-1770). Durant sa florissante carrière, tant à Venise qu’à Padoue, Giovanni Bonazza va aborder tous les aspects de la sculpture, du sacré au profane, du portrait à l’ornement, des grands chantiers à l’intime en passant par l’art du grotesque. Il est à l’origine d’un nouvel engouement pour la  » sculpture de genre  » dans la lignée de ce qu’introduit Pietro Longhi dans la peinture. Ainsi il enrichit les jardins des nombreuses villas de Vénétie avec de grandes sculptures aux sujets parfois exotiques comme ses fameux  » Indios  » en pierre de la Villa Breda à Ponte di Breta. On lui doit l’étonnante statue d' » Elisabetta Querini Valier « , portrait en pied d’un naturalisme presque insolent, du Mausolée des doges Bertucci et Silvestro Valier dans la basilique Santi Giovanni e Paolo à Venise (1704/1708). Mausolée pour lequel Bonazza sculpte aussi l’allégorie de  » la Vertu incomparable couronnant le Mérite « , dans une veine du plus extrême baroque. Pour illustrer cette production profane et audacieuse, on peut encore citer son groupe de  » Vénus et l’Amour  » conservé au Kunst und Gewerbe Museum de Hambourg ou le groupe monumentale de  » Vertumne et Pomone  » du musée national de la Villa Pisani à Stra en Vénétie.

Pour ce qui est de la sculpture religieuse, Bonazza participe, entre autre, à l’un des plus prestigieux chantiers vénitiens des années 1730, la décoration de la chapelle du Rosaire dans la basilique Santi Giovanni e Paolo où il avait oeuvré vingt ans plus tôt pour le mausolée  » Valier « . Bonazza se voit confier la commande d’un grand bas-relief figurant  » l’Adoration des mages  » à intégrer dans la clôture en marbre de la chapelle. Nous présentons ici le  » modello « , ou l’esquisse préparatoire en terre cuite de cet important relief. Rarissimes sont les bozetti en terre cuite parvenus jusqu’à nous qui puissent être mis en relation formelle avec un aussi important édifice religieux du Settecento vénitien. Cette étude préparatoire, dans un format panoramique (26×98 cm) est dans un bel état de conservation et présente au revers l’empreinte des veines de la planche de bois qui en fût le support au moment du modelage.

Bonazza n’est pas, ici, particulièrement novateur dans la construction narrative de cet épisode biblique. Le relief se lit de droite à gauche et le mouvement des personnages, presque tous de profil, accentue cette dynamique qui aboutie à la scène de l’adoration, elle même décalée sur la gauche de l’œuvre. C’est dans l’art de la perspective que l’artiste fait étalage de tout son talent. Au moins trois plans distincts sont observables dans la mince épaisseur du relief. Un premier, presqu’en ronde-bosse avec les trois rois mages en mouvement qui se détachent et semblent sortir de la composition ; tout comme Joseph et la famille de paysans à gauche qui, curieux, tendent le cou et se penchent à mi-corps pour observer l’action. Un second plan, formé de la Vierge Marie portant son Enfant et de l’ensemble du cortège des mages ouvre la composition vers un troisième plan juste incisé dans la terre. De ce savant découpage découle une belle illusion de profondeur. Bonazza traite l’épisode de l’adoration des mages dans un mélange de grande dévotion et de naturalisme allant jusqu’au pittoresque. Les postures empreintes de dignité et d’adoration des mages ainsi que la douce sérénité de la Vierge et de Joseph s’opposent aux attitudes plus anecdotiques, voire humoristiques, des personnages secondaires, tel ce soldat endormi sous un arbre à droite de la composition. Le sculpteur s’est aidé pour détailler, préciser ou accentuer les effets de matière ou les expressions des personnages de la pointe d’un outil, technique habituelle chez Bonazza que l’on retrouve dans ses rares esquisses autographes connues. On peut, tout particulièrement, retrouver cet usage dans le bozzeto d' » Esculape  » conservé au Musei Civici de Padoue. Les nombreuses et intéressantes variantes entre notre « modello » et le marbre final nous plongent au cœur du processus de création de l’artiste.

Cette œuvre a fait l’objet d’une importante publication de Monica de Vincenti de l’Università Internazionale dell’Arte di Venezia en 2017 et a été exposée à l’exposition  » Éblouissante Venise. Venise, les arts et l’Europe au XVIIIe siècle  » (Galeries nationales du Grand Palais, 26 septembre 2018 – 21 janvier 2019).

20 mai 2019 ARTCURIAL - MOA - Paris Hôtel Dassault, 7 rond-point des Champs Elysées 75008
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