École française vers 1750, d'après Gaspard Marsy (1624-1681) et Anselme Flamen (1647-1717); École française vers 1750, d'après François Girardon (1628-1715)

Enlèvement d’Orithye par Borée et Enlèvement de Proserpine par Pluton

Bronze à patine brun clair

H. 57 cm et H. 56 cm

Avant guerre collection d'une aristocrate parisienne, puis par descendance jusqu'à l'actuel propriétaire.

Estimation : 30.000/40.000 € la paire

Prix au marteau : 67.600 €

Littérature en rapport :-Sous Dir. Sophie Baratte et Genevière Bresc-Bautier, "Les bronzes de la Couronne", catalogue de l'exposition tenue à Paris, musée du Louvre du 12 avril au 12 juillet 1999, Ed RMN, 1999 et 2e édition 2001, pp.125-127 ; Robert Wenley, "French bronzes in the Wallace Collection", The trustees of the Wallace Collection, London, 2002, pp.54-57.
-Sous dir. Geneviève Bresc-Bautier et Guilhem Scherf, "Bronzes français dela Renaissance au Siècle des Lumières", catalogue de l'exposition tenue à Paris, musée du Louvre du 22 octobre 2008 au 19 janvier 2009, musée du Louvre/Somogy, Paris, 2008, pp. 258-269.
-François Souchal, "French sculptors of the XVIIth and XVIIIth centuries. The Reign of Louis XIV". Illustrated catalogue, Oxford et Londres, t.1 1977-1993, modèles répertoriés T.1 p.282,
et t.IV, sous le n°42, pp.102-104.

Nos deux bronzes sont les réductions des deux groupes en marbre faisant partie de la « Grande Commande » de 1674 destinés au parterre d’eau de Versailles. Le grand ordonnateur du projet, Charles Lebrun (1619-1690), avait pour ambition d’illustrer les quatre éléments par quatre scènes d’enlèvement tirées des Métamorphoses d’Ovide. C’est François Girardon (1628-1715) et Gaspard Marsy (1624-1681) puis, après sa mort, son élève Anselm Flamen (1647-1717) qui furent chargés de sculpter dans le marbre les groupes allégoriques du Feu et de l’Air.

Girardon (1628-1715) empreinte à Ovide (Métamorphose, V, 351), pour représenter le Feu, l’épisode où Pluton, roi des enfers, capture Proserpine, fille de Jupiter et de Cérès, pendant une promenade avec la nymphe Cyané, dans la campagne sicilienne.

Marsy (1624-1681), quant à lui, est chargé par Lebrun de s’inspirer du chant VI (687-721) pour illustrer l’Air. La belle Orithye, fille du roi d’Athènes ayant repoussé les avances de Borée, dieu du vent du nord, celui-ci l’enlève, aidé dans son envol par le souffle de Zéphyr.

Si les deux grands marbres (Paris, Musée du Louvre Inv. MR 1844, et Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon Inv. MV 8952) ne furent jamais mis en place autour du parterre d’eau, Girardon (1628-1715) qui dirigeait les équipes en charge de l’exécution des bronzes du roi, reçu dés 1692 la commande de deux réductions en bronze pour la Petite Galeriedu Château (salon ovale du petit appartement du roi). La paire ainsi constituée bénéficia dés lors d’un grand succès et fut fondu en deux dimensions (entre 100 et 110 cm pour la grande version et 55 et 60 cm pour la petite version) tout au long du XVIIIème siècle avec, suivant les modèles, quelques légères variantes.

Si, pour les grandes versions, la paire originale conservée à Versailles (Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Inv. MV7953 et Inv. MR SUP. 145), ainsi que celles du Getty (Los Angeles, J. Paul Getty Museum, Inv. 88.SB.73 et  88.SB.74), de Strasbourg (Strasbourg, Musée des Beaux-Arts, château des Rohan, Inv. S260) et de Dresde (Dresde, Skulpturensammlung, Inv. H4 153/008 et H4 154/013) sont les plus remarquables, dans sa petite version, les exemplaires, de qualités inégales, sont plus nombreux. C’est sans doutes des deux groupes aujourd’hui conservés à la Wallace Collection (Londres, Wallace Collection Inv. S170 et S169) que nos rares et beaux exemplaires sont les plus proches.

Tout comme dans la version londonienne nos groupes sont présentés sur des bases naturalistes carrées et le Zéphyr du groupe de Borée n’est pas affublé d’ailes. On retrouve aussi de belles similitudes dans la qualité des finitions, des ciselures et de la patine.

Nos bronzes sont fondus d’un seul jet par la méthode de cire perdue, solidairement de leurs bases, et les bras des deux captives sans doute à part. L’intérieur des fontes présente des reliefs accidentés avec des traces apparentes du noyau, en cohérence avec les techniques et les usages des ateliers de fonderie parisiens durant le règne de Louis XV (1710-1774). Les patines brunes, richement nuancées sont particulièrement soignées et présentent des transparences laissant apparaître un métal blond.

Si le style et la composition des deux enlèvements versaillais sont fortement marqués par l’art de Jean de Bologne (1529-1608) ; Girardon (1628-1715) et Marsy (1624-1681) nous montrent ici combien l’influence du baroque italien a été assimilé par les artistes français. Ces deux groupes sont une référence dans l’histoire de l’art et une étape importante dans l’évolution de la petite sculpture en bronze vers un art majeur. Les statuettes de l’Air et du Feu sont, à ce titre, représentatives d’un « grand goût français », complexe et raffiné, qui rayonna à travers toute l’Europe, orna les plus beaux cabinets d’amateurs, et entra dans les collections les plus prestigieuses.

26 novembre 2018 Artcurial MOA - 19H 7 Rond Point des Champs-Elysées 75008 Paris
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