Attribué à Eugène GUILLAUME Montbard, 1822 - Rome, 1905

Danaé

Esquisse en terre cuite

7 x 23 x 7 cm

Collection de la famille Lefuel ; puis par descendance

Estimation : 800 / 1.000 €

Prix au marteau : 1.690 €

N° de lot : 1

Littérature en rapport :T. Veron, " Eugène Guillaume ", in 'De l'Art. et des artistes de mon temps, Salon de 1877', Poitiers, 1877
J. Buisson, " Le salon de 1881, 3e article, la Sculpture ", in 'Gazette des Beaux-Arts', 1881.2 p.210-238, p.212 H. Marguy, 'Eugène Guillaume', Montargis, impr. de E. Laurent, 1911
S. Lami, 'Dictionnaire des sculpteurs de l'École française au XIXe siècle', t. III, 1919, p.112 et suiv.
F. Heilbrun, G.Bresc-Bautier, 'Le Photographe et l'architecte : Édouard Baldus, Hector-Martin Lefuel et le chantier du nouveau Louvre de Napoléon III', collection Dossiers du Musée du Louvre / Dossier du Département des sculptures, no 47, Paris, RMN, 1995 J. Tulard,' Dictionnaire du Second Empire', Paris, Fayard, 1995, p.607
C. Chevillot, " La troisième République ", in C. Barbillon, C. Chevillot, G. Bresc-Bautier (sous dir.), 'Sculptures du XVIIème au XXème siècle : Musée des Beaux-arts de Lyon', Paris, Somogy éditions d'art, Lyon, Musée des beaux-arts de Lyon, 2017, p.256
A. Pingeot, " Les artistes français à Rome ", dans 'Maesta di Roma: da Napoleone all'unità d'Italia, da Ingres a Degas', cat. exp., Rome, Villa Medici, 7 mars-29 juin 2003, Milan, Electa, 2003, p. 475-47

Archives :
Fonds Eugène Guillaume conservé au Musée d'Orsay, Paris.

Rares sont les artistes qui ont connu autant de distinctions et d’honneurs dans leur vie que le sculpteur Eugène Guillaume : Prix de Rome en 1845, chevalier de la Légion d’honneur en 1855, Membre de l’Institut en 1862, professeur puis directeur de l’École des Beaux-Arts en 1863 et 1865, nommé directeur de l’Académie des Beaux-Arts en 1878-79, directeur de l’Académie nationale de France à Rome de 1891 à 1904, professeur d’esthétique au Collège de France en 1882, enfin élu au siège du duc d’Aumale à l’Académie française en 1898. Ce palmarès vertigineux met en lumière son investissement sans faille dans le monde de l’art. Critique d’art et penseur, il établit publiquement des positions esthétiques et théoriques pour la sculpture par l’intermédiaire de nombreuses publications. Il est tout aussi investi dans le développement de l’enseignement du dessin. Il reçoit des missions institutionnelles en étant membre de la commission de l’Instruction publique, puis inspecteur général de l’enseignement du dessin ; enfin il est également membre du Jury des Salons de 1863 à 1890 (voir la valise comprenant un certain nombre des ouvrages publiés d’Eugène Guillaume et son sceau (lot 21)).
Ces missions et distinctions sont aussi pléthoriques que sa carrière de sculpteur et il s’agit bien là d’un tour de force que d’avoir su mener de front une carrière officielle aussi remplie et un travail de création aussi foisonnant.
Le journaliste Henry Jouin loue d’ailleurs Eugène Guillaume, premier sculpteur à être élu à l’Académie française en ces termes en 1898 :
 » Il nous plait de rencontrer un homme en mesure de tenir la plume ou le ciseau avec une égale sûreté sachant se mouvoir en liberté dans les régions de l’esthétique la plus élevée1  »

Cet ensemble d’œuvres conservé précieusement par la famille Lefuel apparentée à l’artiste et présenté aujourd’hui offre un large éclairage sur les thèmes qui ont fait la réputation de ce sculpteur au parcours exemplaire :

Né à Montbard et formé à l’école de dessin de Dijon avant de rejoindre Paris en 1841 à l’âge de 19 ans, Eugène Guillaume commence sa formation à l’École des Beaux-Arts dans l’atelier du célèbre James Pradier : le portrait en plâtre (lot 5) réalisé avec une grande sensibilité par son maître donne l’image d’un jeune provincial aux allures romantiques, tel un Rastignac qui n’attend que l’opportunité de faire éclore son talent et d’accéder au succès. Talent et succès trouvent rapidement leur concrétisation. Le portrait de profil en médaillon (lot 28) réalisé en 1857 par son camarade de classe à Rome Gabriel Jules Thomas le présente dans cette posture académique que l’on retrouve ensuite, à la fin de sa vie dans le magnifique portrait peint de Paul Baudry (lot 7) et son buste posthume par Hippolyte Lefèbvre (lot 22).
Sous l’influence et la direction de Pradier dont l’enseignement se définit par une admiration absolue de la sculpture grecque, il fait sien l’art classique qui ne l’a plus jamais quitté.
Encouragé par son maître, il remporte donc le prix de Rome de 1845 avec son œuvre Thésée trouvant sur un rocher l’épée de son père. Son séjour dans la Cité éternelle conforte son amour profond de l’art antique et des principes académiques qui se révèle dans la très jolie suite du Mnésymaque (lots 24,25 et 26), Danaé (lot 1), Diane et Endymion (lot 3), l’ensemble de six esquisses en terre crue (lot 23), enfin le Lion d’après la Loggia dei Lanzi de Florence (lot 12).
À son premier Salon en 1852, il envoie son ultime travail de cinquième et dernière année de la Villa Médicis, une figure assise en marbre d’Anacréon qui connait un beau succès :  » Il y a dans son bagage une statue qui est tout à fait grecque d’inspiration, de rythme, j’allais dire de chant, tant elle a l’air de scander et de parler les vers que la Muse met sur ses lèvres : c’est l’Anacréon2 « . Elle est suivie, comme en témoigne ici le bronze (lot 6), d’une édition en trois formats par Delafontaine (1774-1860).
De retour en France, il devient sous le Second Empire et la Troisième République un artiste incontournable dans les commandes publiques.
Il se spécialise dans la réalisation de monuments en hommage aux Grands hommes sur l’ensemble du territoire français, comme en témoigne la réduction en bronze du Monument de Philippe Girard (lot 20), inventeur de la filature mécanique du lin, érigé en 1882 en Avignon. Passionné par la figure de Napoléon, il exécute à la demande du prince Napoléon un important cycle  » napoléonien « . Outre l’imposante sculpture en marbre représentant Napoléon Ier législateur (disparu dans l’incendie du palais des Tuileries en 1871), une série de bustes de Napoléon à différentes étapes de sa vie est commandée à l’artiste : élève à Brienne, général en chef de l’Armée d’Italie, Premier Consul, Empereur, en 1812, à Sainte-Hélène (les plâtres sont au château de Malmaison, les marbres à Prangins et à Arenenberg). Un Bonaparte en pied en lieutenant d’artillerie (lot 11) clôt le cycle en 1870. Une esquisse en cire d’une statue équestre de Napoléon Ier à cheval en tenue militaire (lot 2, finalement non exécutée) prévue pour la cour Napoléon du Louvre est également présentée, s’ajoutant à un corpus de plusieurs travaux préparatoires de 1862. Ce travail occupe tout entier l’artiste au point qu’il lui permet d’inscrire son œuvre dans une dimension plus élargie de l’histoire de l’art :  » Du point de vue de l’art on peut faire observer que la part de la vérité matérielle est trop forte et qu’un ouvrage destiné à durer a besoin d’être plus dépouillé et présente dans des conditions propres à tous les temps. Les exigences de l’art doivent-elles céder à celles de l’histoire telle que nous l’entendons aujourd’hui ?3  »

Il excelle dans la réalisation de portraits dans le cadre de ces commandes officielles mais aussi dans le cadre privé : auprès des bustes d’anonymes en bronze ou terre cuite qui lui sont attribués Portrait de jeune femme (lot 9) et portraits d’homme en plâtre patiné (lot 17) et plâtre patiné façon bronze (lot 8)) se distinguent le portrait présumé de sa fille Thérèse (1857-1949) (lot 18), présentée voilée comme une jeune romaine ou encore le buste en bronze plein de distinction de l’architecte historiciste Hector Lefuel (1810-1880) (lot 10).

La rencontre d’Eugène Guillaume avec Hector Lefuel – lauréat du prix de Rome en 1839, pensionnaire de la Villa Médicis les années précédant l’arrivé du sculpteur, directeur des travaux de Meudon, de la Manufacture de Sèvres et du château de Fontainebleau, membre de l’Institut constitue non seulement un jalon important dans sa carrière mais aussi dans la connaissance et la conservation des œuvres de l’artiste. D’un point de vue professionnel, Lefuel introduit Eugène Guillaume en 1857 sur le chantier mené par Napoléon III d’agrandissement et d’aménagement de l’ensemble  » Louvre Tuileries « .
Du point de vue privé, cette relation avec Hector Lefuel se conclut par le mariage en 1878 entre Thérèse Guillaume, fille d’Eugène et Henri Lefuel, fils d’Hector. L’alliance de ces deux familles est la raison pour laquelle les descendants Lefuel ont conservé conjointement le fonds d’atelier d’Eugène Guillaume et des œuvres associées à la grande figure de l’architecte. Trois portraits de Lefuel réalisés par des sculpteurs différents témoignent de la relation du maître d’œuvre et des artistes qui obtenaient des commandes sur les grands chantiers officiels, ici celui de la réunion des Tuileries au Louvre grâce à ses recommandation et protection. Outre le buste en bronze représentant l’homme en costume de ville réalisé par Eugène Guillaume, la famille conservait encore le buste sans accoutrement exécuté par le sculpteur Francisque Duret (lot 4). Alexandre Oliva offre quant à lui un modèle drapé à l’antique, dont on présente ici trois exemplaires (lots 13, 14 et 15).

 

1. Henry Jouin,  » Un sculpteur écrivain, M. Eugène Guillaume « , in La Nouvelle Revue, livraison du 15 septembre 1898, 20eme année, t. CXIV, Paris administration et rédaction, pp.269-275.
2. J. Buisson,  » Le salon de 1881, 3e article, la Sculpture « , in ‘Gazette des Beaux-Arts’, 1881, t.2, p.210-238, p.212.
3. Fond d’archives d’Eugène Guillaume, liasse 201, chemise 2/3, note jointe aux esquisses de la statue équestre de Napoléon par Eugène Guillaume (L202-68).

22 février 2022 Artcurial 7 rond-point des Champs-Élysées 75008 Paris France
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