Attribué à Antonio Susini (Florence, 1558-1624), d'après un modèle de Jean de Bologne dit Giambologna

Cheval au passage

Bronze à patine brune
Repose sur une base en pierre noire (accidentée)





Commentaire :
Estimation 300 000 - 500 000 €

H. totale : 38 cm, H. 24, L. 29 P. 8 cm

Collection particulière, Ile de France

Estimation : 300.000 / 500.000 €

Prix au marteau : 390.000 €

N° de lot : 161

Littérature en rapport :Charles Avery, "Medici and Stuart: A Grand Ducal Gift of 'Giovanni Bologna' Bronzes for Henry Prince of Wales (1612)", in 'The Burlington Magazine', vol. 115, n°845, août 1973, p. 493-507
Charles Avery et Anthony Radcliffe, 'Giambologna 1528-1609. Sculptor to the Medici', cat. exp. Edimbourg, Royal Scottish Museum, Londres, Victoria & Albert Museum, Vienne, Kunsthistorisches Museum, Londres, 1978, p. 172-186, cat no. 151
Davide Gasparotto, "Cavalli e cavalieri. Il monument equestre da Giambologna a Foggini", in B. Paolozzi Strozzi et D. Zikos, 'Giambologna. Gli dei, gli eroi', cat. exp. Florence, Museo Nazionale del Bargello, Florence- Milan, 2006, p. 88-106
Alexis Kugel, 'Les bronzes du Prince de Liechtenstein. Chefs-d'œuvre de la Renaissance et du Baroque', Paris, 2008, p. 94, n° 12
Tomasso Brothers Fine Arts, 'Scultura', cat. exp., Londres, 2008, p. 70, n°16
Patricia Wengraf, 'Renaissance and Baroque Bronzes from The Hill Collection', Londres, 2014, notice 7, p. 126-135
Eike Schmidt (dir.), 'Plasmato dal Fuoco, la scultura in bronze nella Firenze degli ultimi Medici', cat. exp., Florence, Gallerie degli Uffizi, 2019, p.154-159 et notice 30, p. 613-615

Œuvres en rapport:
-Atelier de Giambologna, Cheval au passage, vers 1595-1600, H. 23,7 cm, bronze, Londres, Victoria & Albert Museum, A.148-1910
-Fonte de Pietro Tacca d’après un modèle de Giambologna, Cheval au passage, 1600, bronze, H. 24,2 cm, Royal Collection, inv. RCIN 35467
-Antonio Susini, Cheval au passage, bronze, vers 1600, signé ‘ANT: SVSINII FLOR: FE’, H.29,5cm , Londres, Victoria & Albert Museum, inv. A.11-1924 ;
– Fonte probable d’Antonio Susini d’après un modèle de Giambologna, Cheval au passage, vers 1605, bronze, H. 38,9 cm avec sa base, Staatliche Kunstsammlung Dresde, Grünes Gewolbe, inv.IX.33;
-Fonte 1600-1650 d’après Giambologna, Cheval au passage, bronze, H.:34,3 cm, Art Institute of Chicago, inv. 1960.887 ;
– Ecole florentine du XVIIe siècle d’après un modèle de Giambologna, Cheval au pas à la crinière flottante, H. 26,7 cm, bronze, ancienne provenance Michael Jaffé (Tomasso Brothers) ;
– Giovan Francesco Susini d’après Giambologna, Cheval au passage, vers 1650, H. 23,7 cm, Collection du Prince de Liechtenstein, inv. SK 550 ;
– Giovan Francesco Susini, d’après un modèle de Giambologna et d’Antonio Susini, Cheval au passage, bronze, 1628, Galleria Colonna, Rome ;
– Attribué à Giovan Francesco Susini d’après un modèle de Giambologna, Italie, Florence, première moitié du XVIIe siècle, Cheval au passage, bronze, sur une base en bois, vente Sotheby’s du 9 juillet 2014, n° 32
– Attribué à GiovanFrancesco Susini, Florence, première moitié du XVIIe siècle, Cheval passant d’après un modèle de Giambologna, bronze à patine laquée, H. 23,8 cm, vente Briscadieu, Bordeaux 24 juin 2017, n° 112

La genèse du modèle du ‘Cheval au passage’ date des années 1560/1570. Différents documents nous indiquent la présence dans l’atelier de Giambologna du prototype en cire d’un  » cavalino « . C’est pour répondre à la commande du grand-duc Ferdinand Ier de Médicis qui désire faire élever, à la gloire de son père Cosme Ier, un monument du type de la statue équestre antique de Marc Aurèle de la Piazza del Campidoglio de Rome, que Giambologna reprend son prototype de cheval au passage et l’agrandit. Antonio Susini, devenu proche collaborateur de Jean de Bologne participe à ce processus de création et l’assiste  » pour exécuter les modèles, moules et moulages, ainsi que pour les nettoyer, puis les construire  » selon Filippo Baldinucci (1625-1687).
Deux typologies de modèles de cheval sont imaginées par Giambologna : l’un à la crinière coupée, l’autre la crinière flottante. Ces deux grands types de Cheval au passage devenus les œuvres les plus recherchées de l’atelier de Giambologna, présentent dans leur transposition dans le bronze différentes variantes : une base ovale, une queue tressée dans la partie supérieure, une bride, un tapis de selle et/ou un cavalier.
Antonio Susini, qui supervise la production de nombreuses fontes, d’abord pour le compte de Giambologna, puis, dès 1600, dans son propre atelier, crée à son tour un troisième modèle de cheval qu’il utilise pour des statuettes équestres, tout en continuant à exploiter les modèles originaux de Giambologna.
Lorsque Giovan Francesco Susini, le neveu d’Antonio qui a grandi dans l’atelier de Giambologna et a suivi Antonio dans son propre atelier, en reprend la direction en 1624, il perpétue jusqu’au début des années 1650 la production du  » Cavallo al trotto  » tout en maintenant la remarquable qualité des fontes. Il aurait lui aussi créé un modèle de cheval, le quatrième, complétant ainsi le catalogue de ces petits bronzes à si grand succès offerts en cadeaux diplomatiques aux différentes cours princières par la famille Médicis et ses proches.
Notre exemplaire, d’une qualité remarquable, est issu du modèle de Giambologna à la crinière flottante. Il présente un tressage en haut de la queue, ne possède ni selle ni bride et n’est pas placé sur une base ovale. Il s’inscrit dans un groupe d’une dizaine d’exemplaires répertoriés et pour la plupart conservés dans des institutions muséales1.
En raison du processus de création de Giambologna qui déléguait la fonte et les finitions à ses assistants, et, en raison de la continuité du modèle sur trois générations, rares sont les exemplaires qui peuvent être donnés formellement à la main du maître ou à l’un de ses disciples. Faute de traçabilité historique, seule la comparaison minutieuse des différents exemplaires répertoriés tirés du même modèle permet de contextualiser la création de notre exemplaire2.
Du modèle à la crinière flottante, le Victoria & Albert Museum conserve un rare exemplaire considéré comme réalisé par l’atelier de Giambologna. Le bronze présente une patine brun rouge translucide laissant apparaitre les détails anatomiques d’une grande précision inscrits directement dans la cire (tendons nerveux sur les membres, muscles formant des plissures à l’encolure et sur l’épaule capturant la lumière, réseaux veineux sur le ventre, la pointe de l’épaule et le haut du jarret), avec des reprises à froid limitées et ciblées à la crinière, queue et membres. Un exemplaire conservé au musée de Dresde, quant à lui attribué à Antonio Susini, offre un traitement légèrement différent de certains détails, notamment à la commissure de la bouche. L’exemplaire de l’Art Institute of Chicago, présenté comme  » Fonte entre 1600 et 1650 d’après un modèle de Giambologna  » est stylistiquement très proche de la version de Dresde, tout comme l’exemplaire publié par Tomasso Brothers Ltd en 2008, avec néanmoins parmi les différences, des sabots ornés de clous et un rendu des veines sur les épaules et le ventre légèrement moins souligné.
C’est ce rendu des réseaux de veines et des tendons moins prégnants, même inexistant sur le haut de l’épaule, qui rend, à priori, notre exemplaire légèrement différent des exemplaires précités et le rapproche plutôt d’un second groupe attribué à Giovan Francesco Susini. Notre cheval au passage est similaire à l’exemplaire passé en vente le 24 juin 2017 à l’hôtel des ventes de Bordeaux. Un autre exemplaire passé en vente chez Sotheby’s en 2014 (n° 32 de la vente Treasures Princely Taste), assez proche, bien que présentant des variantes non négligeables au niveau de la dentition et des sabots, a aussi été attribué à Giovan Francesco Susini. Cette attribution au successeur émérite d’Antonio Susini s’est fondée sur une comparaison stylistique avec les exemplaires de la Galleria Colonna de Rome et de la collection du prince de Liechtenstein. Or l’exemplaire du prince de Lichtenstein présente un réseau de veines sur le haut de l’épaule.
Pour conclure et en résumé, aucun détail formel de ce modèle de cheval au passage ne permet d’attribuer la fonte à l’un ou l’autre des Susini. Par ailleurs les exemplaires de la Galerie Colonna et du prince de Liechtenstein présentent tous deux une patine brun rouge caractéristique de la production de Giovan Francesco Susini, mais que l’on ne retrouve pas ici. La patine brune délicatement olivâtre avec de belles transparences de notre exemplaire s’apparente plutôt aux patines d’Antonio Susini dans l’atelier de Giambologna, puis plus tard dans son propre atelier. Bien qu’aucun document ne puisse le confirmer, la délicatesse des détails anatomiques modelés dans la cire, la minutie du brossage de la surface, la finesse de la ciselure, la translucidité de la patine, tous ces éléments laissent supposer une fonte exécutée du vivant d’Antonio Susini.

1. Cf. le tableau publié sous la direction de P. Wengraf dans le catalogue ‘Renaissance & Baroque Bronzes from the Hill Collection’, ‘op. cit.’, p. 134.
2. Dans la typologie du cheval à la crinière flottante, seul l’exemplaire reçu en cadeau en 1612 par le prince Henry de Galle, aujourd’hui conservé dans la Royal Collection, est historiquement connu pour avoir été fondu par Pietro Tacca (1577-1640). L’exemplaire signé ‘Antonio Susini’ conservé au Victoria & Albert Museum, n’est certes pas tiré du même modèle, mais peut sans doute servir de référence.

09 novembre 2022 Artcurial Hôtel Marcel Dassault, 7 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris
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