Auguste Rodin (1840 – 1917)

Cariatide à l’urne, petit modèle, version avec urne simplifiée ouverte dite aussi « Cariatide à la sphère, variante »

Epreuve en plâtre
Signé et dédicacé « A mon ami Feyen-Perrin. A. Rodin »
Modèle conçu avant 1885-1886, cette épreuve en plâtre exécutée en 1886

H : 40 x L : 32 x l : 30 cm

Augustin Feyen-Perrin, Paris (Don de l’artiste, 1886) - Collection privée, France - Commerce de l’art, Saint-Germain en Laye (fin des années 1980) -Par descendance

Estimation : 30.000 / 50.000 €

Prix au marteau : 220.000 €

Littérature en rapport :-Correspondance de Rodin, éd. Musée Rodin, Paris, 1985, t.1860-1889, lettres n°48 p.62 et 59 p.67 ;
-Ss dir. Antoinette Le Normand-Romain, Rodin en 1900, L’exposition de l’Alma, catalogue de l’exposition tenue au Musée du Luxembourg, 12 mars -15 juillet 2001, RMN, Paris, 2001 ;
-Antoinette Le Normand-Romain, Les Bronzes de Rodin. Catalogue des œuvres au Musée Rodin, 2 vol, Paris, Musée Rodin, RMN, 2007, vol. 1 ; p.248 ;
- Ss dir de Catherine Chevillot, Rodin le livre du Centenaire, catalogue de l’exposition tenue au Grand palais, Paris 22 mars- 31 juillet 2017, RMN, Paris, 2017, p. 272.

Le plâtre est sans doute le matériau central autour duquel s’organise toute l’Oeuvre de Rodin. Contrairement aux idées reçues le plâtre n’est pas qu’un simple moulage sous-entendant une idée de répliques ou de multiples sans valeur autographe. Le plâtre est, et tout particulièrement dans l’art de Rodin, le médium le plus proche avec la terre et la cire, du premier jet, de la première pensée et du premier geste dans le mouvement créatif de l’artiste. Dans l’atelier de Rodin, les œuvres modelées en terre crue sont pour la plupart détruites après moulage, le plâtre original devenant par conséquent l’unique et fidèle transcription du modelage initial. Pour Rodin, le plâtre est une matière lumineuse dont l’épiderme sensible réfléchit la lumière sans l’emprisonner. Pour sa grande Exposition personnelle de 1900, le maître de Meudon, fasciné par cette idée de lumière et de blancheur immaculée n’expose presque que des plâtres, allant jusqu’à présenter l’ensemble de ses œuvres sur des socles moulés en plâtre, le tout sur fond de rideaux blancs.
Rodin, homme de réseaux sans lesquels nulle commande publique n’est alors envisageable, a pour habitude de remercier ses soutiens en leur offrant une œuvre dédicacée. Si ces cadeaux peuvent aussi être parfois le symbole d’une réelle amitié ou d’une complicité artistique, selon le Comité Rodin, sans doute faut-il voir, dans le cas de notre dédicace au peintre Augustin Feyen-Perrin, un remerciement plus politique. Vraisemblablement lié à l’obtention de la commande du monument à Bastien Lepage devant être érigé à Damvillers dans la Meuse, puis du monument à Claude Lorrain pour la ville de Nancy, Augustin Feyen-Perrin est, en effet, un proche d’Henry Liouville, député républicain de la Meuse depuis 1876, ce dernier, entretenant lui même de solides relations avec Antonin Proust, premier Ministre des Arts sous le gouvernement de Gambetta en 1881-1882, grand décisionnaire des commandes de l’Etat.


Une cariatide est une figure-colonne supportant un élément d’architecture. Ici, Rodin remplace l’élément d’architecture par une sphère. Il travaille plusieurs années autour de cette figure semblant supporter au delà d’un poids physique, une souffrance intérieure. Le sculpteur fait ainsi ployer le corps de sa cariatide, tour à tour sous une pierre, une urne ou une sphère. La figure sera finalement intégrée à la Porte de l’enfer.
Au delà de son intérêt artistique, notre belle Cariatide à la sphère est une découverte importante. La nervosité de l’empreinte, les coutures apparentes du moule à bon creux, les renforts de bois à l’intérieur, l’ensemble confère à notre plâtre une dimension unique et un témoignage émouvant du travail de Rodin. Elle présente plusieurs variantes au regard des versions jusqu’alors connues. La sphère est volontairement aplatie et coupée dans sa partie supérieure, de même que les orteils du pied gauche sont raccourcis. On remarque aussi quelques retouches à la plastilline, ces détails nous font entrer au cœur des évolutions et des corrections de Rodin tout au long de son processus de création. Jusqu’alors, le musée Rodin et Antoinette Le Normand-Romain dataient la Cariatide à la sphère de 1900. Les recherches du Comité Rodin autour de notre épreuve ont permis d’avancer sa date de conception aux années 1885-1886.

Cette oeuvre sera incluse dans les archives du Comité Rodin en vue de la publication du Catalogue Critique de l’Œuvre Sculpté d’Auguste Rodin actuellement en préparation à la galerie Brame & Lorenceau sous la direction de Jérôme Le Blay sous le numéro 2019-5925B. Un avis d’inclusion du Comité Rodin sera remis à l’acquéreur.

27 mars 2019 PESCHETEAU-BADIN - 14H00 Drouot-Richelieu - salle 6
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