Vous avez dit monumentales ?
Gazette Drouot n°41
Vendredi 21 novembre 2025
Destinées à l’ornement d’un parc, ces deux sculptures sont parmi les œuvres les plus innovantes de la période de transition entre les règnes de Louis XV et Louis XVI. Des chefs-d’œuvre achevés en 1780 par Étienne-Maurice Falconet. PAR CAROLINE LEGRAND
Ces deux œuvres sont l’un des rares témoignages parvenus jusqu’à nous du talent d’Étienne- Maurice Falconet pour la sculpture monumentale de jardin. Et pourtant, leur origine est à chercher du côté de petits modèles, créés en 1758 pour la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres. Le maître y est depuis l’année précédente directeur de l’atelier de sculpture, nommé sur recommandation de sa protectrice Madame de Pompadour. En neuf ans, il imaginera pas moins de soixante-dix modèles, inspirés pour une grande part d’œuvres de François Boucher. De 1758 à 1780, date d’achèvement de ces deux sculptures – d’après l’inscription sur La Pêche –, nul ne sait ce qui a mené à la réalisation de ces versions hautes de près de deux mètres. Cette longue période a été marquée dans la carrière de Falconet par un séjour en Russie, entre 1766 et 1778,
où il est appelé par la Grande Catherine afin de réaliser la statue équestre de Pierre le Grand. Lorsqu’il revient en France vers 1779-1780, après un passage par les Pays- Bas et l’Italie, il reprend les chantiers en cours, dont sans doute ces deux allégories. Depuis ses créations pour les jardins de la marquise de Pompadour, au château de Crécy ou à celui de Bellevue, mais aussi sa Minerve destinée au parc du château de Choisy pour Louis XV, Falconet reçoit d’importantes commandes de ce type. Et ces œuvres en étaient certainement une. L’artiste a opté pour des groupes ambitieux, témoignant de son évolution stylistique depuis le tournant des années 1760. Drapées à l’antique, ces jeunes femmes proposent une anatomie gracile et juvénile, aux visages triangulaires, un canon féminin que Falconet fera sien. Elles évoluent dans des compositions tournoyantes, aux différents points de vue : une théâtralité baroque qu’il tempère d’une horizontalité et d’une quiétude dans l’attitude des personnages, s’engageant dans une veine plus intimiste et galante.
Ces sculptures, jalon du passage de l’artiste entre le rococo et un néoclassicisme assagi, étaient absentes du catalogue raisonné de son œuvre établi par Louis Réau, paru en 1922 (Paris, Demotte). Ce dernier les découvrit ensuite sur la Côte d’Azur, rédigeant à leur sujet un précieux tapuscrit non daté, conservé au musée du Louvre. Depuis, leur historique a été en partie retracé : elles se trouvaient vers 1922 à la villa Fantasia d’Èze, alors propriété d’Anastasia Mikhaïlovna (1860-1922) – nièce du tsar Alexandre III –, avant de passer dans la collection du milliardaire bolivien Antenor Patiño (1896-1982). Après 1977, elles ornaient le château de Rubelles (Seine-et- Marne) et, depuis 1993, le domaine de Sandricourt (Oise). En attendant une nouvelle étape, elles sont exposées jusqu’à leur vente dans le hall de l’hôtel Drouot.
MERCREDI 3 DÉCEMBRE, SALLE 10 – HÔTEL DROUOT. VILLANFRAY & POMMERY OVV. CABINET LACROIX – JEANNEST.
