Un artiste engagé
Gazette Drouot n°40
Vendredi 14 novembre 2025
Joseph Chinard, représentant de l’art néoclassique français, fut un révolutionnaire convaincu, réalisant plusieurs œuvres sur ce thème dont cette terre cuite datée vers 1793-1794, en pleine Terreur à Lyon.
Cette sculpture fut exposée au pavillon de Marsan au Louvre de novembre 1909 à janvier 1910 sous le numéro 17 et décrite dès 1896 par Salomon de la Chapelle, l’un des premiers biographes de Joseph Chinard, dans son Catalogue des œuvres de Chinard (éd. La Revue du Lyonnais). Elle était également présente le 29 septembre 1913 lors de la vente à Lyon de la collection Piégay. Depuis, sa trace avait été perdue. Cette redécouverte au sein d’une collection particulière permet de mettre en lumière le Chinard révolutionnaire. Malgré l’absence de signature sur cette sculpture, tout indique que l’œuvre a été réalisée vers 1793-1794 par l’artiste lyonnais. Le goût récurrent de ce dernier pour les allégories et les symboles, qu’il aimait accumuler à l’image du faisceau d’armes – symbolisant l’union de tous les citoyens de la République – sont bien présents. Par ailleurs, avec sa tunique aux plis serrés, son chiton et sa palla révélant son sein droit, cette figure hiératique est caractéristique de la manière néoclassique de Chinard. Elle s’inscrit de plus dans un ensemble de projets de monuments révolutionnaires, auxquels l’artiste se consacre dès 1790 avec son groupe L’Amour de la patrie (musée des beaux- arts de Lyon). Mais cette statue est plus proche d’une autre terre cuite : l’Allégorie de la République du musée du Louvre, achevée le 12 avril 1794. Elles furent réalisées dans un contexte bien particulier : celui de la Terreur à Lyon, qui traumatisa la ville avec 1 700 exécutions et d’innombrables destructions. Chinard revient alors tout juste de son second séjour à Rome, où il avait été arrêté sur ordre du Vatican le 23 septembre 1792 à cause de la « nature injurieuse » de ses œuvres et de ses propos séditieux. Libéré le 13 novembre, il rentre à Lyon en héros. Il mettra dès lors régulièrement son talent au service de la ville pour des monuments révolutionnaires, réalisant notamment le nouveau décor de l’hôtel de ville inauguré le 3 septembre 1793, décor dans lequel la statue de la Liberté présente bien des similitudes avec notre terre cuite. Nous sommes alors au moment du dramatique siège de Lyon, qui s’achèvera le 9 octobre par la reddition de la ville qui s’opposait à la Convention nationale. Chinard est à nouveau incarcéré, du 13 octobre 1793 au 28 février 1794. Le sculpteur réalise sans doute cette œuvre dans les mois qui suivent, dévoilant cette allégorie fidèle aux idées révolutionnaires mais affichant aussi clairement son attachement aux droits de l’homme et aux lois, garantes de la liberté de chacun.
SAMEDI 22 NOVEMBRE, LYON. DE BAECQUE ET ASSOCIÉS OVV. CABINET LACROIX – JEANNEST.
Joseph Chinard (1756-1813), La Loi, vers 1793-1794, statuette en terre cuite originale patinée, inscriptions « LOIX REPUBLICAINES » et « DROITS / DE L’HOMME » sur la face et tables des lois républicaines sur le côté droit, h. 47,5 cm. Estimation : 50 000/80 000 €
