Les lignes de fuite de la sculpture

Gazette Drouot n°19
Vendredi 16 mai 2025
Cette nouvelle session dédiée à la sculpture moderne explore les techniques et livre des œuvres de différents styles. Celui de Lipchitz ne laisse pas indifférent.
Lors de l’exposition de 1959 consacrée à Jacques Lipchitz au Palais des beaux-arts de Bruxelles, cet exemplaire de La Fuite ayant été fondu probablement entre 1942 et 1950 mais issu d’un modèle créé en 1940, y était répertorié sous le numéro 80. Il s’agit d’une pièce profondément expressionniste, d’une grande liberté de composition et convoquant l’histoire personnelle de son auteur. En effet, en 1940, alors que les troupes allemandes envahissent la France, l’artiste quitte Paris – laissant derrière lui son atelier et ses créations – pour Vichy dans un premier temps, puis Toulouse. Sa situation dans la Ville rose est délicate. Sans ressources, il réalise seulement une petite esquisse : celle de La Fuite.
L’œuvre fait fortement écho à son propre départ avec son épouse : elle montre un couple lancé dans une course précipitée, l’homme soutenant la femme et levant son bras dans un geste protecteur. Lorsqu’il embarquera pour les États-Unis au printemps 1941, Jacques Lipchitz l’emportera dans ses bagages et lui offrira un pendant porteur d’espoir : L’Arrivée. Une estimation raisonnable de 15 000/20 000 € est déposée sur cette sculpture dont la force vient autant de son expressivité que de l’histoire à laquelle elle renvoie. Joseph-Antoine Bernard (1866-1931) et Charles Despiau (1874-1946) sont les deux « poids lourds » attendus, le premier avec une édition dite « état petite nature » de sa Jeune Fille à la cruche (h. 74 cm), créée en 1910 ; le second avec Nu assis, dit aussi Le Printemps (h. 70 cm), une fonte Valsuani également, numérotée 3/3 d’après un modèle de 1923. 50 000 à 60 000 € sont annoncés pour la jeune femme à la nudité aussi gracieuse que sensuelle, 40 000 à 50 000 € pour la seconde, l’une des trois épreuves réalisées dans cette hauteur. Le Cheval au trot (40 x 62 x 20,5 cm) du peintre de batailles et sculpteur Ernest Meissonier (1815-1891) partira à la vitesse de 30 000/40 000 €. Il s’agit là d’une fonte SiotDeauville de l’une des petites statuettes anatomiques en cire réalisées par le maître afin de répondre au souci quasi obsessionnel d’exactitude dans la représentation de ses scènes de combats de l’histoire de France. Elles ne furent découvertes dans son atelier qu’après son décès et, en 1893, la galerie Georges Petit en présentait onze lors d’une exposition-hommage. C’est à la suite de cette manifestation que le fils de l’artiste entreprit de faire fondre par Siot-Deauville les petits équidés.
MARDI 20 MAI, SALLE 5 – HÔTEL DROUOT. CRAIT + MÜLLER OVV. CABINET LACROIXJEANNEST, TURBAT ET AUFFRET, MME DESVAGES.