La Gazette Drouot : Une miniature sculptée de l’atelier d’Adam Dircksz
Petit par la taille ce buis est l’œuvre de l’atelier d’Adam Dircksz dans le comté de Hollande, qui s’en fit une spécialité au début du XVIe siècle. Destinés à la dévotion, ces micro-sculptures furent l’objet d’une mode destinée aux plus riches.
Delft, ses vieux canaux aux quais ombragés, ses faïences en bleu et blanc, ses maisons en brique dont l’une vit naître Johannes Vermeer et… ses objets de dévotion en buis sculpté. Aucune archive n’existe sur l’atelier d’Adam Dircksz, un nom d’usage qui désignerait un commanditaire plutôt que celui qui le dirigeait. On sait seulement qu’il se fit une spécialité de ces chapelets, reliquaires, monstrances et autres perles liées à la prière, dont une seule est signée, et qu’il était installé très probablement dans cette cité, prospère grâce au travail de la laine et aux brasseries, bénéficiant d’un canal relié aux bouches de la Meuse. Dans cet ancien État du Saint-Empire romain germanique, intégré aux Pays-Bas bourguignons puis aux Pays-Bas espagnols, où l’on pratique la foi catholique, l’élite urbaine voit dans ces buis sculptés un moyen d’afficher son rang social dans les années 1500-1530. Prier est une chose, signifier son appartenance en est une autre, tout aussi indispensable. Avec ses noix de prière – appelées à l’origine «pommes de prière» en souvenir du fruit du Paradis et du sacrifice du Christ pour sauver l’humanité de sa désobéissance originelle – et autres micro-sculptures, l’atelier d’Adam Dircksz crée des objets de luxe, véritables marqueurs sociaux symbolisant le pouvoir, la puissance et le bon goût. Il en a d’ailleurs fait son unique spécialité, et n’a pas de concurrent. Présents diplomatiques, cadeaux de mariage, on garde jalousement ces objets puis on se les transmet de main en main dans les familles. À peine exécutés et déjà collectionnés. Si leur décor est fragile, le buis, bois dur et résistant, les protège des aléas du temps. Notre noix est exécutée dans deux billes coupées en deux. Deux moitiés sont sculptées et ajourées à l’imitation de l’architecture gothique flamboyante. Les deux autres sont ornées d’épisodes religieux – ici une Nativité et probablement une Déploration sur le Christ mort comme le suggère l’inscription sur son pourtour, la micro-scène ayant disparu – et maintenues dans la dentelle de bois par de minuscules tenons. Une monture en métal à motif floral, probablement d’origine, reliée à une chaîne permettait d’accrocher l’objet à la ceinture. La Réforme, mais aussi peut-être le gigantesque incendie qui ravage une partie de la ville le 3 mai 1536, mettent un terme à cette extraordinaire production. L’engouement, lui, est intact notamment chez les médiévistes au XIXe siècle. Acquérir l’une de ces pièces est un rêve qui coûte cher ! Une exposition au Rijksmuseum, à Amsterdam, en 2017, a permis de recenser 140 œuvres de l’atelier d’Adam Dircksz, dont 70 boules. Le Metropolitan Museum de New York conserve de tels buis, tout comme l’Art Gallery of Ontario, à Toronto, ou le musée national de la Renaissance à Écouen. Le Louvre possède six objets légués par le baron Adolphe de Rothschild, auxquels Élisabeth Antoine, conservatrice au département des objets d’art, consacre une publication, à paraître au début de l’été. Une belle actualité pour ces œuvres «si prisées et si difficiles à priser», comme le souligne Élodie Jeannest de Gyvès, l’expert de la vente.