Éternel féminin – Gazette Drouot

14 avril 2022
Gazette n°15

Éternel féminin

Le hasard fait souvent bien les choses,
qui met sur la même route deux expositions consacrées à Aristide Maillol
et cette figure d’Ève à la pomme.
À croquer sans modération…
Pour un artiste qui n’avait pas eu droit à une monogra- phie à Paris depuis 1961 – au musée national d’Art moderne pour le centenaire de sa naissance –, le voilà servi sur un plateau. Le musée d’Orsay ouvre ses portes à Aristide Maillol, la quête de l’harmonie (jusqu’au 21 août) et la galerie Dina Vierny (36, rue Jacob, dans le 6e arrondissement de Paris) rend compte de l’héritage qu’il a laissé dans le domaine de la sculpture à travers des œuvres inédites d’Henri Laurens, Alberto Giaco- metti, Henry Moore, Raymond Duchamp-Villon, Robert Couturier ou Wang Keping (jusqu’au 25 juin). Le modèle de notre Ève à la pomme est créé en 1899. Ce n’est que quelques années plus tôt, vers 1895, que Maillol, qui avait jusqu’alors réalisé peintures, tapisse- ries et céramiques, se tourne vers la sculpture, travaille le bois et modèle la terre ou le plâtre. Ses premiers essais sont de petites statuettes qui, à l’opposé des figures d’Auguste Rodin, expriment déjà harmonie et monumentalité. Et surtout privilégient le nu féminin. Les formes sont pleines, les surfaces sont lisses, le style serein et épuré. Si Maurice Denis le qualifie de «clas- sique primitif», Maillol attache peu d’importance aux titres, aux références bibliques, et ne réalisera aucune figure religieuse. Ève incarne l’image de la femme, non celle de la mère de l’humanité, et la pomme qu’elle tient dans sa main gauche n’est d’ailleurs pas visible à première vue tant elle est petite. Le musée d’Orsay en conserve une épreuve d’artiste, fondue par Bingen et Costenoble, le musée des beaux-arts de Lyon un exem- plaire traduit dans le bronze par Alexis Rudier. C’est à son fils, Eugène, que l’on doit notre épreuve, réalisée du vivant et sous le contrôle de Maillol. À la finesse du métal répond la légèreté, et la patine transparente laisse apparaître une belle teinte mordorée. L’œuvre est offerte par le sculpteur à son ami Raoul Dufy, puis transmise à l’exécuteur testamentaire de ce dernier, Joseph Reynier, dans la famille duquel elle a été conser- vée jusqu’à ce jour.

JEUDI 21 AVRIL, SALLE 15 – HÔTEL DROUOT. BOISGIRARD ANTONINI OVV. SCULPTURE & COLLECTION.

Aristide Maillol (1861-1944), Ève à la pomme, bronze à patine brun clair, porte la marque du fondeur Alexis Rudier, h. 58 cm.
Estimation : 80 000/100 000 €

14 avril 2022