CAMILLE CLAUDEL EN BONNE COMPAGNIE

Gazette Drouot n°5
Vendredi 07 février 2025

Découverte par Me Semont dans l’obscurité d’un appartement inoccupé, une collection de tableaux et sculptures modernes sera mise en lumière prochainement à Orléans. Camille Claudel y côtoie Bourdelle, Buffet ou Camoin.

L’appartement se situe au pied de la tour Eiffel. Le commissaire-priseur Matthieu Semont s’y rend un matin de septembre 2024 afin d’effectuer un inventaire de succession, accompagné de l’héritier. Ce dernier possède quelques notes de sa mère qui expliquent ce que l’on peut s’attendre à trouver dans ce logement fermé depuis une quinzaine d’années, elle-même ayant fini ses jours dans une maison près d’Orléans. Des lingots, des bijoux, des bronzes et un Picasso… La découverte se fait à la lumière d’une bougie, l’ambiance est mystique, tout est recouvert de draps blancs… Si le Picasso s’avère être une lithographie, Me Semont découvre dans le couloir, sur une commode classique, un grand groupe en bronze immédiatement reconnaissable : L’Âge mûr de Camille Claudel (voir Gazette 2024 n° 46, en couverture et page 6).

Non loin, une Pénélope de Bourdelle, des bronzes animaliers d’Antoine-Louis Barye et de Pierre-Jules Mène ainsi que des tableaux signés Bernard Buffet, Charles Camoin ou Emilio Grau Sala. Sur la terrasse de L’Âge mûr, le commissaire-priseur découvre la marque du fondeur Eugène Blot et le n° 1, désignant l’exemplaire le plus nerveux, le plus proche du modèle original car « les moules ne sont pas émoussés », précise l’expert Alexandre Lacroix. Autant de bons augures, tout comme l’absence de reparure sur une fonte au sable d’une telle taille. Blot, supervisé par l’artiste, a réalisé un véritable exploit technique dans cette œuvre éditée en 1907 à six exemplaires dans une version réduite de l’original, en prévision d’une exposition dans sa galerie. Le n° 1 fut celui exposé, aux côtés de peintures de Manguin, Marquet et Jean Puy. Quatre exemplaires sur les six furent rapidement vendus, le n° 3 étant le seul aujourd’hui localisé, au sein du musée Camille-Claudel à Nogent-sur-Seine. On perd la trace du nôtre en 1908. On sait qu’il entra dans cette collection avant la Seconde Guerre mondiale, peut-être par l’intermédiaire d’un client de l’aïeul du propriétaire, aubergiste rue Vavin à Paris. Mais à cette époque, Camille Claudel n’est pas aussi reconnue qu’aujourd’hui : il faudra attendre les années 1960, puis le film de Bruno Nuytten de 1988, pour qu’elle soit révélée au grand public. À la vue du très petit nombre de bronzes de l’artiste fondus de son vivant, celui-ci, d’une qualité exceptionnelle et à l’émouvant thème autobiographique, devrait faire trembler le marché.

Les propriétaires du Camille Claudel étaient de grands amateurs de sculpture moderne. En témoigne cette épreuve posthume en bronze à patine brun-vert de la Pénélope au fuseau d’Antoine Bourdelle (1861-1929), à envisager à 4 000/7 000 €. Signée « Bourdelle », elle porte la marque du fondeur « Busato Fond/Paris » ainsi que la mention « © By Bourdelle » et le numéro « 2 » à l’arrière (h. 44 cm). Elle est issue d’un modèle créé en 1905, année qui marque le début d’un travail de sept ans sur la figure mythique de Pénélope, la femme d’Ulysse. Bourdelle s’est inspiré du visage de sa première épouse, Stéphanie Van Parys, pour créer cette œuvre inspirée des tanagras antiques ou encore des Vierges gothiques parisiennes du XIVe.

DIMANCHE 16 FÉVRIER, ORLÉANS. PHILOCALE OVV. CABINETS LACROIX-JEANNEST, PERAZZONE-BRUN.

13 février 2025